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Comment les recipients en argile rafraichissent l'eau

Par une chaude journée d’été, quel bonheur de se désaltérer avec une gorgée de boisson fraîche !
Nul besoin de glaçon ou de réfrigérateur: le traditionnel botijo espagnol, en terre cuite non émaillée, conserve son contenu à une température inférieure de plus de dix degrés à la température ambiante.
Pourquoi un tel dispositif, dont le principe a inspiré en Afrique un réfrigérateur rudimentaire constitué d’une double jarre, est-il aussi efficace ?

Se refroidir en transpirant
Le principe du botijo s’énonce brièvement la surface de ce cruchon est humide car l’eau traverse l’argile poreuse, et c’est l’évaporation de cette humidité qui refroidit le récipient.
On peut toutefois se poser des questions sur les détails de ce processus.
Commençons par l’origine du refroidissement dû à l’évaporation. L’eau liquide est un état condensé de la matière où chaque molécule est au contact de ses voisines.

Dans un gaz, en revanche, les molécules sont distantes les unes des autres et interagissent peu.
Passer de la phase liquide à la phase gazeuse requiert donc de l’énergie afin de briser les liaisons entre molécules, qui assurent la cohésion du liquide. En l’absence de source d’énergie extérieure (une plaque chauffante, un four, etc.), cette énergie est prélevée infine à l’énergie cinétique associée à l’agitation thermique des molécules : ces dernières ralentissent et la température baisse.

Ce processus est particulièrement efficace. Ainsi, l’énergie nécessaire pour évaporer un gramme d’eau liquide, aussi nommée chaleur latente de vaporisation, est de 2 250 joules, alors qu’il ne faut que 4,18 joules pour élever sa température de un degré ! Cette évaporation contribue à réguler la température de notre corps lorsque nous avons trop chaud (voir la figure 1). Par exemple, lors d’un effort physique continu (à vélo !), nous déployons une puissance mécanique de l’ordre de 300 watts, mais une puissance thermique de un kilowatt.
L’évaporation d’un litre d’eau par sudation permet d’évacuer la chaleur produite par l’organisme pendant 38 minutes : sans ce processus, la température corporelle grimperait de plus de 5 °C !

L’efficacité dépend de l’humidité de l’air Toutefois, l’efficacité du processus dépend beaucoup de l’humidité de l’air ambiant. En effet, dès que la teneur en vapeur d’eau atteint un certain seuil (les « 100 % d’humidité »), il y a autant de molécules d’eau de l’air qui viennent au contact du liquide et s’y incorporent
que de molécules d’eau du liquide qui le quittent et rejoignent l’air ambiant.

Dans cette situation dite d’air saturé en vapeur d’eau, le flux de condensation et le flux d’évaporation s’équilibrent, et il en est de même pour les flux d’énergie. Aucun refroidissement n’est alors possible. En revanche, plus l’air ambiant est sec, plus l’évaporation et le refroidissement associé sont favorisés.
L’humidité fait ainsi toute la différence entre le sauna et le hammam. Dans un sauna, on peut supporter un air à 95 °C parce qu’il est sec (dix pour cent d’humidité) et parce que la sueur s’évapore alors facilement.

Dans un hammam, avec de l’air saturé, nous transpirons bien, mais en l’absence d’évaporation, qui évacuerait la chaleur du corps, la température ne peut guère y excéder les 50 °C.
Détaillons le processus d’évaporation dans un récipient. Pour simplifier, supposons que l’air ambiant soit parfaitement sec.

Certaines molécules à la surface de l’eau quittent le liquide. Dans le vide, elles s’éloigneraient définitivement de la surface et la quantité d’eau évaporée par unité de temps serait élevée et constante. Mais dans l’air, elles subissent de nombreuses collisions (plusieurs milliards de fois par seconde !) avec les molécules d’azote et d’oxygène qui le composent. Ces collisions modifient sans cesse la vitesse et la direction des molécules d’eau et les empêchent de s’éloigner rapidement. Elles diffusent donc lentement à partir de l’interface liquide-gaz.
Cette diffusion lente a pour conséquence une accumulation des molécules d’eau : la concentration en vapeur d’eau augmente peu à peu avec le temps, jusqu’à atteindre la saturation.

L’évaporation et le refroidissement qui lui est associé cessent-ils alors ? La diffusion réduit l’évaporation des molécules d’eau, mais elle ne la supprime pas, puisque l’air plus distant reste non saturé. S’ajoute en outre la
convection, c’est-à-dire des déplacements de l’air ambiant (vent, courants d’air, etc.) qui peuvent chasser la vapeur d’eau proche de la surface et ainsi renforcer l’évaporation.

Faut-il en conclure que la baisse de température devrait se poursuivre indéfiniment? Non, car il y a aussi des transferts thermiques : si la température de l’eau liquide devient inférieure à celle de l’air ambiant, il apparaît un flux de chaleur dans le sens inverse, qui tend dans notre cas à réchauffer l’eau. Comme les échanges de matière, ces échanges de chaleur sont tributaires des phénomènes de diffusion et de convection.
Dans l’air, les vitesses des échanges de matière et de chaleur sont comparables. On obtient alors une situation stationnaire où le refroidissement dû à l’évaporation est compensé par l’arrivée de la chaleur, le liquide étant à une température inférieure à celle de son environnement.

Dans le cas d’une bouteille ordinaire en verre, la convection est peu efficace, car ce récipient est fermé par un étroit goulot tandis que le transfert thermique est élevé à travers toute la surface de la bouteille, le verre étant un bon conducteur thermique.

S’il y a bien évaporation, elle est très faible (on peut laisser une bouteille remplie à l’air libre pour le constater) et le refroidissement insignifiant.

Le botijo : évaporation à travers l’argile poreuse
Pourquoi le refroidissement est-il si efficace dans le botijo ou la zahato, la gourde en peau des bergers basques, ou encore l’amphore antique ? Le botijo est un récipient en argile poreuse (voir la figure 2). L’argile est un bon isolant thermique lorsqu’elle est sèche. C’est le cas pour sa partie située audessus
du niveau du liquide. Au-dessous, en revanche, la porosité de l’argile laisse l’eau s’infiltrer jusqu’à la surface du récipient, ce qui a deux effets.

Le premier est négatif : en envahissant les pores, l’eau, bon conducteur thermique, se substitue à l’air et l’effet d’isolation de l’argile sèche est partiellement perdu. Le

Comme pour d’autres récipients du même type, le liquide qu’il contient est à une température inférieure d’une dizaine de degrés à la température ambiante. Le liquide pénètre dans l’argile poreuse et atteint la surface
du récipient, où il s’évapore. Cette évaporation, via la chaleur latente qu’elle nécessite,
refroidit le récipient et son contenu.

■■ LES AUTEURS
Jean-Michel COURTY et Édouard KIERLIK sont professeurs de physique à l’Université Pierre et Marie Curie, à Paris.
Leur blog : http://blog.idphys.fr

Envoi de Armand B.

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