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Candice: "Jamais sans ma fille" Aya

 

Candice Cohen-Ahnine, une Française juive de 34 ans, se bat depuis deux ans et demi pour revoir sa fille de dix ans, Aya, qu'elle a eue avec un prince saoudien. Une histoire d'amour impossible, suivie d'un combat chaotique, qu'elle raconte dans une autobiographie bouleversante, «Rendez-moi ma fille» (L’Archipel).

Marie Desnos - Parismatch.com

 

Seule une lettre sépare son prénom du mot «candide». C’est d’ailleurs ainsi que l’a décrite Jean-Claude Elfassi, qui a écrit son livre en collaboration avec Candice Cohen-Ahnine: «Candice agit plus avec son cœur, qu’avec sa tête.» Cette Française de 34 ans se bat depuis près de trois ans pour récupérer sa fille, d’aujourd’hui dix ans, retenue en Arabie saoudite par son père, un membre de la famille royale. Après des années de combat dans l’ombre, elle a finalement décidé d’exposer son histoire au grand jour, en publiant «Rendez-moi ma fille», aux éditions L’Archipel, et en répondant aux médias.

Candice a rencontré Sattam en 1997. Elle avait alors 20 ans. En vacances à Londres avec une amie, elle tombe sous le charme de ce «grand brun au visage étroit et au menton volontaire». Qui n’en aurait pas fait autant? Ce jeune homme charmant et mystérieux a visiblement jeté son dévolu sur la jolie brune à la peau dorée. Il la couvre de cadeaux –le premier étant un magnum de Cristal Roederer- l’invite au restaurant «le plus souvent possible»… avec toutes les attentions de gentleman qui vont avec. Et puis, c’est un «prince»… Au début, cela la fait rire: «Un vrai prince? Comme celui des contes de fées de notre enfance?», s'interroge-t-elle. Un conte de fée qui allait virer au cauchemar.

Elle a conscience que tout les sépare, à commencer par la religion -elle est de confession juive. Mais malgré sa lucidité, elle tombe dans le piège de l’amour et de la vie de princesse qui s’offre à elle (elle n’est pas cupide mais «Sattam est riche, très riche», et elle n’a pas honte de reconnaître que «cette vie de "rêve" [lui] a forcément tourné la tête».) Et puis tout s’accélère. Après les vacances, Sattam et Candice ne cessent de se téléphoner. En bon «prince», il lui fait la surprise de débarquer au bas de la fenêtre de son appartement parisien. Ils ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre, et pourquoi devraient-ils le faire puisque l’héritier de la couronne a les moyens d’offrir à sa bien-aimée des billets d’avion pour le suivre dans ses déplacements.

Du rêve au cauchemar

Ils se partagent entre Le Caire, Paris, et Riyad, et vivent un rêve éveillé jusqu’à ce qu’une première tempête viennent assombrir leur ciel. Pour son plus grand bonheur, Candide tombe enceinte. Mais quand elle annonce l’heureux événement à l’«homme de sa vie», elle tombe des nues. Sattam change du tout au tout. Il lui explique que ce n’est pas possible; qu’elle ne peut pas garder l’enfant. C’est le coup de massue. Candide tente de se suicider avec des médicaments, et pendant qu’elle est «dans les vapes», son cher et tendre l’emmène se faire avorter. Rien ne sera jamais plus comme avant.

Si Candice tombe «dans le panneau» à plusieurs reprises, comme elle le dit elle-même. Le couple alternera dès lors périodes de réconciliations –des parenthèses enchantées-, et périodes de déchirements et désillusions. En 2001, Candide tombe enceinte à nouveau. Mais cette-fois, Sattam semble ravi. Si quelques doutes envahissent la jeune femme, l’envie d’avoir cet enfant en plus fort; et pas question d’avorter encore une fois. Aya («Vivante» en hébreu) naît le 27 novembre 2001 à Hyères, dans le Var. Mais Candice a à peine le temps de savourer son bonheur. Sattam est absent à l’accouchement. Il est en train de faire la fête à Londres. Nouveau désenchantement. Elle apprend que sa belle-mère n’est même pas au courant de sa grossesse…

Malgré tout, il réussira une fois de plus à la récupérer de justesse. Rebelote. En 2006, un problème latent explosera à la figure de Candice: Sattam doit épouser une cousine; il veut garder la Française comme seconde épouse. Elle s’y refuse catégoriquement. Il se montre de plus en plus autoritaire et violent. La viole. Elle fuit à Paris. C’est en 2008 qu’elle commettra son ultime erreur: accepter, à force d’efforts, virant au harcèlement, de Sattam, de lui rendre visite en Arabie saoudite avec leur fille.

Là, on leur confisque leurs passeports, et Candice est enfermée dans une chambre sans savon, et pas nettoyée, à tel point elle est contrainte de se raser le crâne pour échapper aux poux... Elle dit avoir été «maltraitée, battue, subissant des tortures morales, et ne survivant que grâce à la bienveillance de certains domestiques». Et sa fille, qu’elle croise par miracle, lui raconte aussi avoir reçu des gifles, et dormir parfois avec une femme qui l’oblige à rester «nue en petite culotte», et à la laver… Puis trois semaines plus tard, Candice parvient à s’enfuir. Elle court se réfugier à l’ambassade de France qui lui offre une protection diplomatique. Elle réussit même à avoir un droit de visite: quelques minutes, une fois par semaine, pour voir sa petite Aya. Jusqu’au jour où la famille royale tente le tout pour le tout: Candice est accusée d’avoir renié sa religion musulmane pour se convertir au judaïsme, crime pour lequel elle encourt… la peine de mort. Candice n'a plus d'autre choix que de fuir. En juin 2009, elle est exfiltrée par le Quai d'Orsay. C’est la mort dans l’âme qu’elle laisse sa fille à plus de 3000 kilomètres d’elle… Le 24 juillet 2009, elle porte plainte pour soustraction de mineur. Et c’est sans relâche qu’elle se bat depuis pour qu’Aya lui soit rendue.

Un combat de longue haleine

Mais la justice et la diplomatie sont lentes et compliquées, et ce d’autant plus qu’aucune convention bilatérale n’existe entre l’Arabie Saoudite et la France concernant la protection des mineurs. «Dès qu’on a eu connaissance, en 2008, des difficultés rencontrées par Candice, tant à Riyad qu’à Paris, on a suivi le dossier avec la plus grande attention», a nous pourtant affirmé Eric Bosc, adjoint au porte-parole en charge des Droits de l’homme et des Français à l’étranger au ministère des Affaires étrangères. La maman de 34 ans a notamment été reçue au cabinet du président de la République, et le Quai d’Orsay, qui est en contact permanent avec les autorités locales à ce sujet, veille à ce que les décisions de justices soient transmises aux personnes concernées. «La petite fille, en tant que citoyenne française, bénéficie de la protection consulaire», a-t-il souligné. De fait, l’ambassade a des contacts réguliers avec la famille royale saoudienne, incluant des droits de visite.

Candice a obtenu une première victoire judiciaire le 12 janvier: le Tribunal de Grande Instance de Paris lui a accordé «l’autorité parentale exclusive» sur sa fille, dont «la résidence habituelle» a été fixé au domicile maternel. La décision précise en outre que «les sorties à l’extérieur seront interdites», et que le père aura donc «un droit de visite à exercer en lieu neutre, (…) afin de garantir la représentation de l’enfant sur le territoire national.» Elle impose enfin à Sattam une pension alimentaire de 10 000 euros par mois, jusqu’à la majorité de sa fille. «C’est la première étape d’un long chemin, a commenté l’avocate de Candice», Me Tarquiny-Charpentier. C’est aussi la première fois qu’un membre de la famille royale saoudienne se trouve ainsi condamné. «Il faut qu’Haya soit rendue à sa mère et qu’elle puisse vivre en France où elle a toujours vécu.»

Mais en l’espèce, la justice française se retourne contre un ressortissant étranger, ce qui complique l’application de l’ordonnance. S’il ne rend pas l’enfant, le père s’expose à ce que soit délivré contre lui un mandat d’arrêt international. Pour le moment, «la décision est toute fraîche, tempère Eric Bosc. On en est à une phase de contentieux entre la position défendue par la mère, et celle défendue par la famille saoudienne. On souhaite réussir à instaurer un dialogue entre les deux parties, afin d’obtenir un dénouement favorable.» Une issue qui semble peu probable, sachant que Sattam exclut toute option qui inclurait qu’Aya vive ailleurs qu’à Riyad. «La vie de mon enfant est ici», a-t-il fait valoir à Sophie Des Déserts, du «Nouvel Observateur», seule journaliste à avoir réussi à le joindre. «Je vous rappelle que ma fille est une descendante de la famille royale saoudienne.» Aya n’a pas vu sa mère depuis deux ans et demi. Cette dernière doit se contenter de quelques minutes par téléphone au bon vouloir du Palais. Quelques minutes sous surveillance où la mère et la fille parlent de tout et de rien. Comme si de rien n’était. Tandis qu’elle s’inquiète de voir des photos de sa fille, sur Facebook, en niqab ou jouant avec des armes…

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