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Macronleak : un gros pavé dans la mare(info # 010605/17)[Analyse]

Par Ilan Tsadik ©Metula News Agency

 

Quelques minutes avant minuit, heure française, vendredi, c’est-à-dire juste avant la clôture de la campagne présidentielle, associée à l’impossibilité, pour les media tricolores, de commenter les informations liées à l’élection, des dizaines de milliers de documents [totalisant quinze gigaoctets de fichiers !], des emails, des photos et des pièces jointes concernant Emmanuel Macron et le parti En Marche ! ont fait leur apparition sur les réseaux sociaux.

 

L’équipe de campagne du candidat à la présidence a confirmé les faits, "relatant une action de piratage massive et coordonnée" conduisant à la révélation, sur les réseaux sociaux, "d’informations internes comme des courriels ou des documents comptables".

 

Parmi tous les documents auxquels il est possible d’accéder grâce à un lien apparaissant sur le compte Twitter de Wikileaks, certains ont immédiatement retenu l’attention des spécialistes. Il s’agit notamment d’un "operating agreement", un terme qui désigne en anglais un contrat passé entre deux sociétés à responsabilité limitée, qui n’a pas d’équivalent en français.

 

Le lien de Wikileaks conduit au site Pastebin, un bloc-notes public en ligne permettant de publier des documents de manière relativement anonyme.

 

L’"operating agreement", daté du 4 mai 2012, qui porte le nom et la signature d’Emmanuel Macron, s’il est authentique, aurait eu pour objet la formation de la société à responsabilité limitée "La Providence  LLC", enregistrée, en conformité avec les lois ad hoc, dans l’Etat de Saint Kitts & Nevis dans les Caraïbes.

 

La Providence est également le nom du lycée jésuite qui avait accueilli M. Macron à Amiens dès 1993 et dans lequel il a fait la connaissance de sa femme Brigitte, qui y enseignait le français et le latin.

 

Un autre document trouvé sur Pastebin est un fax concernant une transaction entre La Providence Ltd. – qui disposerait donc d’au moins un compte bancaire - et la First Caribbean International Bank. Le no. de fax indiqué sur le document est bien celui de la banque en question, et la personne à laquelle il est adressé, Brian Hydes, a bien été employé par cet établissement.

 

La First Caribbean International Bank a souvent été mentionnée par des media de premier plan comme étant impliquée dans des affaires d’évasion fiscale. Reuters la cite pour avoir été mêlée, en 2015, à un cas de fraude lié aux scandales ayant affecté la FIFA, la Fédération Internationale de Football Association.

 

Le 16 mars dernier, M. Macron avait nié, dans sa Déclaration de Situation Patrimoniale en tant que Candidat à l’Election Présidentielleadressée à l’HATVP, la Haute Autorité Pour la Transparence de la Vie Publique, qu’il détenait des comptes bancaires à l’étranger. Il va de soi que si les documents présentés sont véridiques, le candidat a commis un parjure, et qu’il doit être soupçonné d’évasion fiscale.

 

Emmanuel Macon a quitté son poste à la Banque Rothschild & Cie onze jours après la date de signature alléguée de l’"operating agreement", soit le 15 mai 2012, pour travailler avec le Président Hollande, qui venait de battre Nicolas Sarkozy au second tour des élections.

 

A la Banque Rothschild & Cie, il aurait touché, selon ses collègues, un coquet bonus pour son rôle de conseiller dans une transaction entre les géants industriels Pfizer et Nestlé. Un bonus qui lui aurait été remis alors qu’il avait déjà intégré sa fonction de Secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République française. La question qu’on peut se poser – si les documents sont authentiques - consiste à savoir si l’argent n’a pas fini à la First Caribbean International Bank de Nevis.

 

Le 26 août 2014, Emmanuel Macron se voit attribuer le poste de ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique dans le gouvernement de Manuel Valls. A ce poste, il refuse la position prônée par son prédécesseur Arnaud Montebourg, qui s’opposait au rachat de la branche Energie d’Alstom par la firme américaine General Electric. Le 4 novembre 2014, Macron autorise l’opération, pour un montant de 12 milliards d’euros.

 

Le rachat de la branche Energie d'Alstom par GE rapporte à vingt-et-un dirigeants d’Alstom - dont le mari de Valérie Pécresse – une prime spéciale à hauteur de 30 millions d’euros.

 

Le 22 décembre de la même année, Alstom accepte, après négociations, de verser la somme de 772 millions de dollars au Département de la Justice des Etats-Unis. Il s’agit d’une amende pour des faits de corruption en Indonésie. Alstom avait plaidé coupable, après avoir déjà été condamnée pour des faits du même ressort en 2012 par la Banque Mondiale.

 

Le comportement d’Alstom a suscité plusieurs enquêtes pour des soupçons de corruption et de concurrence déloyale, respectivement aux USA et auprès de la Commission Européenne. Un avocat américain a même été imposé à titre d’observateur "monitor" au sein d’Alstom, afin de s’assurer que la société opérerait dorénavant selon les règles en vigueur aux Etats-Unis en matière de corruption.

 

En janvier 2016, General Electric a annoncé la suppression de 6 500 emplois en Europe, dont 765 en France, dans les activités Energie d'Alstom.

 

Il conviendrait de vérifier que des sommes d’argent n’ont été versées à La Providence par Alstom et/ou la General Electric, directement ou par l’intermédiaire de proxys à cette période. Si c’était le cas, il n’y aurait pas d’autre option que de poursuivre Emmanuel Macron, le prochain président pressenti de la République française, en plus des charges de corruption, pour des soupçons d’évasion fiscale.

 

On est en présence d’une affaire majeure, ne serait-ce que par le nombre des documents révélés. La plupart des observateurs pointent la Russie du doigt, car le mode opératoire de ce hacking ressemble à celui qui avait frappé le parti Démocrate américain et qui avait sans doute joué un rôle dans la défaite d’Hillary Clinton face à Donald Trump. Autre indice : l’essentiel des media russes, très influencés par la présidence de Vladimir Poutine, se déchaîne contre Macron. Troisième indication : le travail de piratage, à une pareille échelle, a dû coûter très cher et nécessiter de gros moyens humains, tant quantitatifs que qualitatifs, et il est douteux qu’une organisation non-étatique quelle qu’elle fut puisse l’avoir réalisé, ou même avoir eu un quelconque intérêt à le faire.

 

Mais deux questions se posent à présent et non pas une seule, comme tentent de l’accréditer les amis et soutiens du favori de dimanche. La première tient bien sûr aux motifs du cyber-agresseur et à son identité, ainsi qu’à la nécessité d’empêcher des éléments extérieurs de fausser les termes d’un processus démocratique.

 

La seconde est plus délicate mais elle doit aussi et impérativement être posée : les révélations publiées sur le site Pastebin sont-elles authentiques ? Pour la simple raison que, si tel est le cas, par exemple pour les documents que nous avons eu le temps d’étudier, la France risque d’élire demain un candidat ayant commis des actes condamnables par la justice pénale.

 

On remarquera à ce propos que, dans le cas d’Hillary Clinton, personne n’a jamais mis en cause l’authenticité des documents révélés. Dans ces conditions, malgré l’immixtion déplorable de pirates dans la campagne électorale, on peut également affirmer qu’ils ont contribué à mettre en lumière des agissements néfastes voire répréhensibles de Madame Clinton.

 

Dans le cas qui nous intéresse, on mentionnera tout de même qu’un acte avéré de corruption d’une personne dépositaire de l’autorité publique est puni, en France, selon l’article 432/11 du code pénal, d’une peine d’emprisonnement de dix ans et d’une amende s’élevant à un million d’euros, en plus du double du produit tiré de l’infraction. On ne traite pas d’un délit mineur, on s’en rend bien compte.

 

A ce qui précède, il convient d’ajouter une information fondamentale pour la suite : toute infraction informatique laisse des traces, et le fait de publier les documents sur Pastebin ne garantit pas l’anonymat. Obtenir des résultats probants à l’issue d’une enquête ne dépend que des moyens qu’on est prêt à investir pour trouver les coupables. Le plus intéressant est sans doute que les hackers sont parfaitement au courant de ce qu’ils ne disposent d’aucune immunité pour couvrir leur acte, et que cela a été pris en compte lors de la décision de publier la moisson du hacking de Macron et de son parti.

 

Si c’est "encore un coup des Russes", ils savent pertinemment qu’ils vont être découverts, à tout le moins, les individus qu’ils ont mandatés pour effectuer le job. Mais ce n’est pas ce qui pourrait déstabiliser Poutine, qui n’a pas de comptes à rendre à la Commission Nationale de Contrôle de la Campagne Electorale en vue de l’Election Présidentielle (CNCCEP). On n’effraie pas aussi facilement l’homme qui a rasé Alep de la surface de la Terre sans jamais être inquiété par la "communauté internationale" et encore moins par la France.

 

Cette constatation comporte une nuance majeure que nous avons déjà évoquée, et qui va conditionner le fait de savoir si nous sommes en présence d’une grosse affaire ou d’une énorme affaire. Retour donc à la question fondamentale : Macron est-il coupable ou victime ? Si Macron est coupable, peu importe à Poutine qu’il ait semé le trouble dans le fonctionnement démocratique d’un pays européen ; c’est un peu une constance de sa politique, un comportement "normal" de son point de vue, qui consiste principalement en un rapport de force simple : affaiblir les autres et renforcer la Russie.  

 

Si Macron est corrompu, Poutine tient en main des atouts majeurs ; il sera celui qui a démasqué le "criminel" qui allait se hisser à la direction de la France. S’il ne l’est pas, on reprochera au Tsarévitch son comportement brutal et on se méfiera encore plus de lui, si c’est encore possible. Or ce questionnement répond presque à l’interrogation.

 

Si Macron est corrompu,  il faut assumer que Poutine détient les preuves du délit et des originaux de documents publiés. Si c’est le cas, c’est que Poutine entend vraiment empêcher le candidat d’En Marche ! de devenir président. Dans cette hypothèse, il a sans doute convaincu, documentation à l’appui, Maître Collard de la culpabilité de l’adversaire de Marine Le Pen. Il y aurait de quoi priver Emmanuel Macron de sommeil durant cette nuit : vous imaginez, dimanche, à 20h et une minute, à la place de voir MLP reconnaître sa défaite et remercier ses électeurs, Gilbert Collard, sur Fr2, présentant les extraits de comptes de La Providence à la caméra, en s’exclamant "Français, Françaises, vous venez d’élire un escroc !" ?

 

Et à la place de Macron, quelle est la meilleure posture à adopter ? S’il était coupable, la meilleure conduite consisterait à renoncer à la fonction présidentielle avant de se la voir décerner. Par une annonce dramatique. Parce qu’à 20h 01, quoi qu’il en soit, la presse va faire pleuvoir des hallebardes de questions sur le candidat à propos des fuites. Cela risque de prendre plus de place que sa victoire attendue aux élections !

 

S’il n’a rien à se reprocher, il devrait renoncer à l’immunité présidentielle, le temps de démontrer son innocence. Ce serait un acte convaincant pour les Français, et sans danger pour lui dans cette configuration.

 

Mais si les documents concernant La Providence et Saint Kitts & Nevis sont authentiques, qu’il ne compte pas sur l’immunité pour se sortir d’affaire. Car la menace du tribunal est nettement moindre que celle de la rue et des journalistes. S’il a fauté, il n’a aucune chance de s’en sortir, il pourrait s’embourber "à la Fillon", mais à la puissance dix. Les faits reprochés à Fillon sont des peccadilles en comparaison d’accusations de corruption et d’évasion fiscale.

 

Un collègue énarque qui connaît bien le caractère d’Emmanuel Macron nous a toutefois mis en garde : ce type est narcissique, il a l’impression que sa personne a rendez-vous avec la France, et que rien, quoi qu’il advienne, ne saurait empêcher son destin de se réaliser. Même s’il est coupable, il se battra jusqu’au bout, même si l’espoir de s’en sortir disparaît.

 

François Hollande, à sa sortie de l’Institut du monde arabe (Ima) à Paris a déclaré à l’AFP : "On savait qu’il y aurait ces risques-là durant la campagne présidentielle, puisque ça s’était produit ailleurs. Rien ne sera laissé sans réponse". On ne sait trop ce qu’il faut comprendre de ce commentaire. Répondre à qui ? Comment ? Il aurait mieux valu qu’il parle de l’ouverture immédiate d’une enquête approfondie, cela aurait été plus adapté aux circonstances.

 

Quant à la première réaction du CNCCEP, samedi matin, elle a consisté à avertir que "certains documents fuités sont probablement faux". C’est encourageant, cela signifie qu’il y en a qui ne le sont pas.

 

Demain sera un jour tendu. Bien davantage qu’il aurait dû l’être, compte tenu de l’écart entre les candidats prévu par les sondages. La chienlit menace. L’improvisation devant une situation jamais rencontrée. Le nom du président ne sera pas forcément connu demain.

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