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Le calvaire des réfugiés de Libye

Par dizaines de milliers, des fuyards de toutes nationalités qui travaillaient en Libye ont afflué vers la frontière tunisienne, dans l’attente d’un rapatriement vers l’Egypte, le Bangladesh, la Côte d’Ivoire…

Catherine TARDREW

 

Couvertures dans un sac en plastique sur la tête, baluchons à la main, faces creusées par la fatigue et la peur, ils marchent d’un pas lent dans la poussière, en une file interminable. Selon le HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), depuis le 20 février, ils sont près de 100000 à avoir franchi la frontière entre la Libye et la Tunisie, fuyant les violences.

Soixante mille seraient encore bloqués du côté libyen, où des militaires les empêchent de passer. Mansour, Egyptien de 35 ans, attend sagement de monter dans le car jaune qui va le conduire directement à l’aéroport de Djerba, direction Le Caire, puis un petit village de la vallée du Nil « où l’attendent ses trois enfants. »

Ils étaient partis en Libye pour fuir la misère

A perte de vue, sur une terre jaune presque sans arbres, un gigantesque amoncellement de détritus et d’ordures et des hommes hagards couchés à même le sol, les plus chanceux réfugiés sous les tentes blanches de l’ONU. Depuis une cahute, un barbu, au visage protégé par un masque de tissu, distribue des morceaux de pain et des plats de riz. Des mains calleuses s’en saisissent avec une avidité craintive. Des bouteilles d’eau pour se laver, pas de toilettes ni de latrines : l’odeur, par endroits, est insoutenable. Ces êtres apeurés viennent des régions les plus déshéritées du monde, et étaient venus en Libye pour fuir la misère. Chassés par le chaos, ils se retrouvent dans ce no man’s land brûlant le jour, glacé la nuit. Sans le moindre espoir.

Les plus chanceux sont sans doute ces 35000 Egyptiens dont l’évacuation a été prise en main par leur gouvernement qui a envoyé trois gros-porteurs pour les rapatrier.

Alassane, un gigantesque Ivoirien de 25 ans, « employé dans la construction », a « cru plusieurs fois être tué en chemin. » « Je suis tombé sur des rebelles. Ils ont cru que j’étais un mercenaire de Kadhafi. Ça a été difficile de leur expliquer! » Le jeune homme explique qu’il a « de la famille en France. » « Je sors de l’enfer, murmure-t-il. Et, dans mon pays, ça va très mal. On sait jamais, si je peux traverser la mer vers l’Europe… » Igbel Bramonbarha, 35 ans, père d’un enfant qu’il a laissé au Bangladesh, éboueur à Tripoli, avait payé « 4000 $ un intermédiaire » pour venir travailler dans la capitale libyenne. Il y est resté quatre ans. Il y a dix jours, l’entreprise qui l’employait a mis la clé sous la porte. « Saïd, le contremaître, m’a rendu mon passeport mais il ne m’a pas payé mon dernier salaire. On nous a fait monter dans des camions. Sur la route, nous avons été attaqués par des hommes armés de couteaux. Ils nous ont tout pris, argent, téléphones… Comment vais-je rentrer chez moi? » Un diplomate bangladais est arrivé jeudi, avec pour tâche de faire rentrer chez eux, à 17000 km de là, ses 13000 compatriotes déjà sur le sol tunisien, alors que 60000 sont restés en Libye. Igbel rejoint la longue colonne qui va devoir marcher jusqu’au camp de transit de Choucha, à 7 km de là. « Ils sont à bout, mais on ne peut pas faire autrement, s’excuse un chauffeur de bus. Nous sommes mobilisés, avec nos véhicules, pour l’aéroport de Djerba. »

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