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Gad Elmaleh : "Je reste le gosse qui se raconte des histoires"

 

 

Dans son nouveau spectacle, Sans tambour… - dont la première parisienne a lieu mardi -, l'humoriste dévoile les raisons pour lesquelles il a choisi le rire, dès l'âge de 6 ans. Rencontre avec un quadragénaire heureux, numéro 2 au Top 50 des personnalités préférées des Français.

Dans la nuit, il a encore retouché des textes, déplacé une virgule, réarticulé une partie. Vendredi, au Cirque royal de Bruxelles, Gad Elmaleh présentait son nouveau spectacle, Sans tambour…, avant sa grande première parisienne, mardi, au Théâtre Marigny. Partant du récent exil fiscal de quelques Français emblématiques, il file ses thèmes de prédilection : la filiation, la transmission, l'interrogation sur les différences identitaires, agrémentés de nouveaux sujets comme l'écologie, le mariage gay, l'orthographe, la psychanalyse et… la mort. Comme quoi, on peut rire de tout, à condition de maintenir le rythme. Le rire a horreur du vide. Rencontre avec un humoriste aussi adulé qu'une rock star.

Six ans après Papa est en haut, quel a été le déclencheur, cette fois?
Je ne savais pas quand je remonterais sur scène. Après les quatre ans de tournée de Papa est en haut, j'avais l'impression de tourner en rond. Besoin de m'aérer la tête : en novembre, je suis parti aux États-Unis. Je me suis produit dans des petits clubs pour des publics d'expatriés, comme cela se fait là-bas, de manière très décontractée. J'ai découvert que je pouvais effectivement m'épanouir dans l'épure. Le mois suivant, j'ai appelé tous mes copains, la nouvelle génération des Baptiste Lecaplain, Tony Saint Laurent, Manu Payet… À La Nouvelle Ève, un club de Pigalle, entre leurs numéros, je jouais les Monsieur Loyal. J'ai rassemblé mes improvisations, et voilà… Le spectacle est né à partir de ces bribes. Le nouveau bébé s'est émancipé avec cette idée du cahier qui devient un accessoire à part entière, un lien avec le public. Et l'expression "sans tambour ni trompettes" s'est imposée à moi. Une image m'est revenue, moi, enfant, à Casablanca, tapant sur des capots de bagnole pour faire des percussions. Ça sonnait très bien d'ailleurs…

Vos spectacles ne sont donc pas écrits à l'avance?
Celui-ci est le plus précis. Il possède des bases, des repères solides, qui me facilitent l'improvisation. Mais je n'écris jamais à la table. Tout naît de l'oralité. J'ai des thèmes, je pars sur scène et j'improvise. J'ai besoin de me roder, de me planter. Je ne possède pas cette assurance de savoir ce qui fera rire à l'avance. Au début, quand une blague ne fonctionne pas, on pense que c'est le public. Puis, on se dit que c'est l'écriture. Finalement, on s'interroge sur la blague. En définitive, ce n'est jamais la faute du public. Je ne sais pas si cela donne de meilleurs spectacles, mais ce sont les plus justes pour moi. Quelque part, je fais du sur-mesure… J'ai toujours fonctionné ainsi. Gamin, à Casablanca, j'emmenais mes copains dans les rues, où je distribuais les rôles à chacun comme un metteur en scène avec ses personnages. On a tous vu ça, un gosse qui se raconte tout seul des histoires. Je reste celui-là.

L'exil fiscal de France sert de point d'amorce.
Je crois être le seul artiste français qui a connu directement l'immigration. Je sais ce que demander un titre de séjour signifie. Je m'en souviens toujours quand j'entends les politiques aborder le sujet. Même si j'ai gardé des liens très forts avec le Maroc, c'est en France que je vis et paie mes impôts. Mais j'ai interrogé ceux qui partaient. Ils m'ont fourni des détails sur leur temps de présence obligatoire dans chaque pays. Moi, je ne peux pas me contraindre à ce genre de calcul…

«Je crois être le seul artiste français qui a connu directement l'immigration»

Deuxième au Top 50 du JDD, vous êtes l'une des personnalités préférées des Français. Que vous apporte la France aujourd'hui?
Je suis made in Maroc. Le Maroc m'a fabriqué, mais c'est la France qui m'a fait. C'est là que se trouve mon public. Cette reconnaissance, je l'accepte volontiers. Lorsqu'on m'a remis la médaille de chevalier des Arts et des Lettres [2006], j'étais très fier. Ces symboles, ces honneurs, tout cela n'est pas rien pour un immigré de la première génération. La rébellion doit se placer ailleurs que dans son rejet. Ce jour-là, au ministère de la Culture, toute ma famille était présente. J'ai pensé à mon père. Petit vendeur de Casablanca, il rêvait d'être artiste. Il se produisait comme mime dans des théâtres municipaux. J'avais 8 ans quand je suis monté sur scène, la première fois, à ses côtés.

Vous avez accompli son rêve. Aujourd'hui, Gad Elmaleh a-t-il encore besoin de travailler pour vivre?
Un humoriste québécois a eu ce mot superbe : "Aux États-Unis, quand tu fais un tube en musique, tu peux vivre jusqu'à la fin de tes jours ; au Québec aussi, à condition de mourir le lendemain." Je fais heureusement partie de la première catégorie. J'apprécie le luxe. Mais ma crainte, ce n'est pas l'argent mais l'embourgeoisement artistique. Ce n'est pas une question d'aller ou non au supermarché, mais de rester dans la vie. Certains artistes n'arrivent plus à écouter. C'est le danger du confort, jouer un spectacle avec chauffeur de salle. La vie me l'a proposé. J'espère ne pas avoir perdu le contact…

«Il faut parfois avoir la décence de se taire sur des sujets qu'on ne maîtrise pas»

De l'écologie au mariage gay, certains thèmes marqués à gauche sont au cœur des blagues les plus tranchantes… Que vous ont fait les bobos?
Rien. Mais aujourd'hui, tout le monde s'exprime à la va-vite sur tout et n'importe quoi. Des artistes se ruent sur des causes pour faire des effets d'annonce. Moi, je caricature la caricature. L'écologie, c'est important. Tout le monde est d'accord. Je me moque juste de ceux qui s'en servent pour espérer maintenir le lien avec leur public… Il faut parfois avoir la décence de se taire sur des sujets qu'on ne maîtrise pas. Être artiste ne donne pas toutes les compétences.

Il s'agit de votre premier spectacle de la quarantaine. Vous le terminez par une anecdote assez étonnante…
Oui, quand j'avais 6 ans. Je devais être en CP ou CE1. Une fête déguisée était organisée à l'école, la mission française Georges-Bizet de Casablanca. Je m'étais habillé en cow-boy. Mes parents nous avaient déposés, ma sœur et moi. Mais nous étions arrivés en retard. Tout le monde était déjà rentré. Très fier de mon déguisement, j'ai donné un grand coup dans la porte pour marquer mon entrée dans la classe. La porte s'est ouverte, et là j'ai compris que mes parents s'étaient trompés de jour. Toute la classe riait à gorge déployée. J'étais seul avec mon déguisement de cow-boy. Dans ces rires, j'entendais de la moquerie. Tout vient de là. J'essaie de réparer ce rire. Comme les gens qui se cassent la figure en glissant et qui rejouent inlassablement la cascade pour faire croire qu'elle était intentionnelle. J'essaie de redonner une dignité à ce rire de gosse.

Gad Elmaleh, Sans tambour..., au Théâtre Marigny

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