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Shalom Sarcelles

 

Par: Laeticia de Kerchove

 

 

 

À Sarcelles (95), il existe un village séfarade. Les habitants, venus d’Égypte ou du Maghreb tout au long des années 60, forment désormais la plus grande communauté juive d’Europe.

Dimanche, café Oh délice prestige, à deux pas de la synagogue. On s’apostrophe, on se reconnaît. Un loubavitch(1), surgi de nulle part, propose à qui veut de passer les tefilin, ces lanières de cuir que les pratiquants enroulent autour de leurs bras et de leur tête pour la prière du matin. Rares sont ceux qui refusent. «C’est une mitzvah, une bonne action. Alors pourquoi se priver…», suggère Anthony. Sarcelles. Stéphanie et Noémie y sont viscéralement attachées. C’est là qu’elles ont grandi, et avant elles, leurs parents. «C’est vrai qu’on vit entre nous. C’est plus facile. Il y a moins de racisme. Et puis, à Sarcelles il y a les synagogues, les restaurants, les hypermarchés cacher…», affirme Stéphanie. «Nos parents ont tout fait pour qu’on soit élevés dans la Torah, et ça c’est le résultat», renchérit Anthony.

«Ça», c’est le quartier des Flanades. Le cœur battant de la communauté. Vingt-six lieux de cultes juifs, huit établissements scolaires, un tissu associatif dense: Sarcelles compte la plus importante population juive d’Europe. 15% des 60000 habitants. Son histoire commence en 56, après la crise de Suez, avec l’arrivée de juifs égyptiens. La ville développe une politique de logement social, elle absorbe toutes les vagues d’immigration. En 62, Sarcelles accueille des rapatriés d’Algérie, parmi lesquels de nombreuses familles juives. À partir de 1967, ce sont les juifs tunisiens qui viennent grossir les rangs. Ils en constituent, aujourd’hui, la part la plus importante. En quarante ans, la visibilité n’a cessé de croître. Dans le Maghreb des années 50, coincés entre les expatriés catholiques, volontiers antisémites, et la majorité musulmane, les juifs séfarades ont tendance à se replier. Arrivés en France, le processus continue. Le traumatisme lié au rapatriement des pieds-noirs, le sentiment d’avoir été «lâchés» par la France, ses amitiés avec les pays arabes, l’aggravation du conflit au Proche-Orient vont renforcer un retour au judaïsme. «Dans les yeux des autres, nous nous sommes vus juifs. C’est pour cela que – par réflexe de défense peut-être – de plus en plus de juifs éprouvent le besoin de se rattacher à la communauté», souligne Marc Djibali, président du Collectif des associations juives de Sarcelles. Pour autant, celui-ci refuse de parler de communautarisme. «Communauté rime avec solidarité. Les juifs savent qu’ici, ils sont plus en sécurité. Mais nous n’excluons personne et nous ne rejetons pas les valeurs républicaines.»

Pas de communautarisme à Sarcelles? À voir. Quatre-vingt douze nationalités sont présentes sur le territoire, regroupées en communautés plus ou moins structurées. Et certaines participent à la vie politique, au nom de leur groupe. Du côté de la mairie, on fait plus que s’en accommoder. «Notre choix est clair, c’est de partir des communautés pour aller vers l’intercommunautaire (...) Je sais que je suis taxé dans toute la France de “communautariste”. Mais je dis: voilà, on ne peut pas évoluer tous ensemble si on ne respecte pas ce que sont les gens au départ. Ce qui se passe à Sarcelles, c’est l’avenir de la France», tranche François Pupponi, maire socialiste de Sarcelles(2).

1. Juif traditionaliste.
2. Extrait de La tentation antisémite, haine des juifs dans la France d’aujourd’hui, Michel Wieviorka, Éd. Robert Laffont.

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