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Alain Cohen, le gamin du « Vieil homme et l’enfant »

 

En 1967, il avait 9 ans et devenait le petit Claude dans « Le vieil homme et l’enfant » réalisé par Claude Berri. Quelques décennies plus tard, Alain Cohen a toujours la passion du cinéma. Il en parle, demain à Thann, dans le Haut-Rhin, dans le cadre de la Journée européenne de la culture et du patrimoine juifs.

 

« Pour la préparation du Vieil homme, Claude Berri parcourait la France de long en large et passait dans les synagogues pour trouver, dans les cours du dimanche, le gamin qui incarnerait Claude Langmann, son double. S’il allait dans les synagogues, c’est probablement que pour un sujet comme la Shoah, il devait penser qu’avec un enfant juif, la prise de conscience serait plus aisée… »

En cette fin des années soixante, Alain Cohen fréquente l’école talmudique de la rue de Montevideo à Paris : « Je suis né à Paris en 1958 et j’appartenais à une famille traditionnelle. J’allais à la synagogue pour apprendre l’hébreu, faire les prières. Et c’est là que passe Claude Berri. J’étais un gamin turbulent et j’ai été viré de la classe. Je me suis caché derrière un rideau dans le hall de la synagogue mais le rabbin a vu mes pieds qui dépassaient. Il m’a tiré par l’oreille et Claude Berri a dit : c’est lui… »

Le rabbin se charge de téléphoner aux parents d’Alain Cohen… « Comme c’est le rabbin qui appelait, ils ont cru que c’était pour une émission religieuse du dimanche à la télévision ! » Lorsque Claude Berri vient voir les parents du jeune Alain, il constate que la famille Cohen a vécu une aventure semblable à la sienne : « Pour la soustraire aux nazis, mon grand-père avait, en effet, envoyé ma mère à la campagne, comme le font les parents de Claude dans le film… » De quoi entraîner l’adhésion de Mme Cohen. Alain sera donc Claude dans Le vieil homme et l’enfant. D’ailleurs, le cinéma était déjà passé par là : « Mon grand-père fut l’un des premiers distributeurs de cinéma à Paris. Il passait notamment les films de Charlie Chaplin… »

Lorsqu’il évoque Le vieil homme…, Alain Cohen parle d’une parenthèse enchantée : « Pour moi, les trois mois de tournage et ceux qui ont suivi pour faire la promotion du film sont définitivement gravés dans le marbre. Je me souviens de chaque minute, de chaque seconde, de chaque mot. Je savais que je vivais quelque chose d’extraordinaire ! »

Et puis, il y a Michel Simon, le comédien que Claude Berri voulait absolument avoir pour incarner, dans la France de l’occupation allemande, le personnage de Pepé, ce Poilu de la Grande guerre convaincu que les juifs, les rouges et les maçons sont la cause de tous les maux de la France…

« À 9 ans, sourit Alain Cohen, je ne réalise pas que je suis en face d’un géant du cinéma ». Il ne sait pas alors que Simon a formulé deux exigences : un droit de regard sur le scénario et les dialogues, et un autre sur le choix du gamin qui jouera Claude. « Nous avons fait un bout d’essai et tout s’est bien passé. Quant aux dialogues, Michel Simon n’a modifié qu’une phrase. À la fin du film, lors de l’enterrement du chien, lorsque Claude glisse que les juifs reviendront, Michel ajoute : T’en fais pas, ils ne peuvent pas être pires que les autres. »

Jeune inconnu dans le cinéma, Claude Berri est très respectueux de son comédien : « On répétait avec une doublure de Michel et ensuite Claude ne faisait qu’une prise. Sauf lorsque je merdais trop. Claude, pour sa part, était très exigeant. Quand il arrivait sur le plateau, il fallait qu’on puisse dire « moteur » tout de suite. En même temps, je me souviens, autour de délires de Michel Simon, d’incroyables fous rires sur des fins de scène… »

Après Le vieil homme et l’enfant, Alain Cohen aura beaucoup de propositions de films : « Claude Berri m’a dit plus tard que mes parents avaient tout refusé… » Mais Alain retrouvera le personnage de Claude dans deux autres films de Berri, Le cinéma de papa en 1970 et La première fois en 1976. Alain Cohen est alors déjà un grand adolescent et, dans ce dernier film, il se trouve mauvais comédien : « Et ça me faisait ch… ! Le vieil homme m’avait tout donné. Face à un monstre sacré, il y a juste besoin d’être là… » Alain Cohen continuera toujours à voir le cinéaste : « Il m’a très souvent proposé de tourner. Je n’ai jamais voulu. Je savais que je n’étais pas bon. »

Et de rebondir : « Mais je suis très bon dans plein de trucs ! » Ainsi Alain Cohen fut, quinze ans durant, architecte, avant de changer complètement de voie. « Aujourd’hui, je suis marchand de légumes à Rungis. Je fournis en fruits et légumes tous les chefs étoilés de France et du monde entier. Je suis, dit-il en riant, le meilleur marchand de légumes au monde ! »

Ce qui ne l’empêche pas d’avoir toujours la passion du cinéma chevillée au corps. « Je suis une vraie groupie du cinéma et des vedettes. » Il se souvient qu’en 2004, Claude Berri l’avait embarqué pour un petit rôle dans Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, qu’il produisait avec Yvan Attal comme réalisateur : « Nous avions une réunion de travail. Je faisais attention pour qu’on ne remarque pas trop que je dévorais des yeux Charlotte Gainsbourg, Yvan, Alain Chabat ou Emmanuelle Seigner… »

Enfin, Alain Cohen est toujours resté en contact avec Michel Simon : « On le disait très misanthrope mais il aimait les enfants et les animaux. Pour moi, c’était un Père Noël de cinéma qui m’a tout donné. J’ai appris, bien longtemps après le tournage, qu’il avait interdit qu’on m’engueule… J’avais 30 ans lorsque j’ai retrouvé un 33 tours avec des dialogues de Drôle de drame, mais aussi une interview de Michel Simon à la radio où il disait que le petit Cohen était un gamin merveilleux… J’avais craqué pour lui mais il avait aussi craqué pour moi. »

Jusqu’à ses 14 ans, Alain Cohen ira souvent rendre visite au comédien. « Il vivait entre un affreux petit appartement de la rue de Beauregard à Paris et une grande maison qui avait appartenu à Clemenceau à Noisy-le-Grand. Je me pointais et je passais du temps avec lui. Il m’a appris beaucoup de choses sur la vie… »

Alors qu’il menait à bien son diplôme d’architecte, Alain fut amené à se rendre aux studios de Marne-la-Vallée. Il y rencontra par hasard, Josy, la compagne de Michel Simon, mais aussi un machiniste qui avait travaillé sur le film de Claude Berri : « Et là, le gars me raconte que je touchais à tout sur le plateau et que j’avais foutu le bordel sur le tournage ! Je me souvenais que j’avais un peu déconné mais à ce point… »

 

Propos recueillis par Pierre-Louis Cereja

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