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Elloul: le temps pour la proximité

 

Elloul est une période d’amour, de désir ardent, de réconciliation, de pardon et de retour.

« Attention ! Il ne vous reste plus que 30 jours pour faire vos achats ! »

Cette dernière semaine de Novembre dans mon « ancien pays » avait quelque chose de magique. Pas une fois je n’avais raté la période des promotions dans ma ville. A grand renfort de publicité, c’étaient les mêmes slogans qui étaient sans cesse répétés. La campagne de lancement pour une réduction du prix de chaussettes commençait inexorablement ainsi : «Messieurs et Mesdames, juste aujourd’hui, oui, juste aujourd’hui ». Les promos finissaient toujours le Jour de l’An, ne laissant comme d’habitude dans leur sillage rien de plus que la nécessité décourageante d’affronter une vie engourdie par la routine.

C’est complètement différent lorsque le mois juif d’Eloul arrive. Il y a aussi 30 jours avant le Grand Jour, qui est en l’occurence Roch Hachana. Il n’est pas question de faire son possible pour parvenir à concilier emplettes et livraisons. C’est une période d’amour, de désir ardent, de réconciliation, de pardon et de retour.

Mais que signifie réellement « retour » ? Vers quoi tentons-nous de revenir ? Ainsi que le proclame Jérémie : « Reviens, ô vierge d’Israël, reviens dans ces villes qui sont les tiennes. » (Jérémie 31,21) Nous sommes comparés à une vierge qui peut enfin rejoindre son fiancé et à un exilé qui a la possibilité de revenir sur sa terre maintenant reconstruite alors qu’il l'avait vue pour la dernière fois, vide et désolée.

Nul ne peut retourner dans un endroit où il n’est jamais allé. Tout comme la fiancée à l’égard de son bien-aimé, ce sentiment de proximité et de nostalgie envers D.ieu, l’avons-nous jamais vraiment éprouvé ? Notre degré d’identification avec le peuple juif, n’a-t-il jamais été réellement si élevé que même la satisfaction éprouvée par notre réussite personnelle n’a pas pu atténuer la douleur que nous causait la désunion nationale alors que nous étions censés former un peuple ?

A cette question, beaucoup d’entre nous opposent un silence. Et pour beaucoup d’autres, on voudrait que les instants de beauté et de connexion durent éternellement. Il y a des moments où nous nous sentons totalement connectés à la nation juive, qui comme un tout ne vit plus qu’au rythme des informations : Combien de katiouchas sont-elles tombées ? Est-ce que je connais quelqu’un à Haifa ? Que puis-je faire pour aider ?

MICROCOSME DU CORPS ET DE L’AME

La différence qui existe entre la relation que nous avons avec Eloul et celle avec la fin du mois de novembre est assez semblable à celle que nous entretenons entre notre corps et notre âme. Le corps veut posséder, acheter et acheter. Ce que désire l’âme, c’est la connexion et cela, de plus en plus profondément.

La grande illusion de l’existence, c’est que le corps (que, du point de vue intellectuel, nous reconnaissons comme seulement mortel) a l’impression qu’il est réel et permanent. L’âme (dont nous savons qu’elle est infinie puisqu’elle fait partie de D.ieu Lui-même) se sent vaguement irréelle car elle est intangible.

Selon nos Sages, « Un moment de repentance et de bonnes actions dans ce monde a plus de valeur que l’éternité dans l’autre monde. » (Maximes des Pères). C’est le monde où les possibilités spirituelles sont énormes. L’ « épreuve par le feu » est le moyen de réglage utilisé car nos passions, nos jalousies, nos haines mesquines brûlent avec nous. Chaque victoire a un impact intense sur la relation que nous entretenons avec D.ieu et avec l’homme. Au sens le plus profond, nous bâtissons le respect que nous avons de nous-mêmes, pierre par pierre, en décidant de contrôler notre impulsivité et nos désirs insatiables. Le problème est que, en raison de notre trop grande myopie, nous ne discernons pas la vue panoramique que cette sorte de bataille déploie en nous-mêmes. Nous sommes trop occupés à nous battre. Nous échouons encore et encore. Nous laissons à nos échecs le soin de nous définir et de ronger notre foi dans le fait que nous sommes au cœur d’une bataille que nous nous sommes en mesure de gagner. Nous nous soumettons trop souvent à la dictature de notre corps et étouffons les désirs de notre âme. Nous abandonnons le combat.

Dans un des cauchemars que je fais régulièrement, je me vois pensionnaire dans une maison de retraite. Je suis assise à une table en formica dans une grande pièce avec un poste de télévision qui braille à la cantonade. En face de moi se trouve mon déjeuner, servi dans une assiette en mélamine orange vif. Les derniers mots que je prononce en quittant la planète sont : « J’ai demandé de la viande blanche. »

C’est ainsi. Pas de Chema. Pas d’adieu au chevet du lit accompagné par des bénédictions et des enseignements moraux. Le vainqueur et l’éternel champion, c’est le corps qui va bientôt être enseveli dans la terre dont il est issu. Dans le pire de mes cauchemars, l’âme arrive toujours en second dans la course la plus significative que tout un chacun d’entre nous fera jamais.

Ce qui est encore pire, c’est que le jour ne relègue pas le cauchemar dans les voiles de notre subconscient ; la vision affreuse demeure vraisemblable. En fait, il est écrit dans le Talmud qu’il n’y a aucun moyen pour que l’âme puisse l’emporter sans l’aide de son Créateur.

D.IEU EST PROCHE

C’est la période de l’année où il nous est le plus aisé de sentir la proximité de D.ieu. C’est comme si le rideau invisible que nous avons nous-mêmes tissé par nos mauvais choix, nos craintes et nos douleurs, pouvait être maintenant retiré. Eloul est comparé de manière analogue à un moment où D.ieu est comme un roi de chair et d’os qui réside dans son palais et est virtuellement inaccessible au commun des mortels. Une fois par an, le roi fait le tour de son royaume dans le but de connaître ses sujets. N’importe qui peut rencontrer le royal personnage et lui raconter tout ce qui l’a à l’esprit et dans son cœur sachant que le roi est venu spécialement pour l’écouter.

Comment trouver le Roi ? Il y a plusieurs coutumes en Eloul nous permettant de bénéficier de sa puissance.

- Réciter le psaume 27

Selon le Talmud, une partie de l’espérance de vie d’Adam a été transférée à David. Par conséquent, tout comme Adam, son âme se compose de toutes les âmes qui seront à jamais placées dans un corps. Les mots qui se trouvent dans le livre des Psaumes touche l’essence de toute expérience humaine possible, et ce dans les recoins les plus profonds. Le psaume 27 est un des psaumes qui nous aident à résoudre le conflit existant entre notre corps et notre âme. Tout est dit dans le premier verset : « D.ieu est ma lumière. » Cela signifie qu’Il n’a pas seulement créé le monde physique mais qu’Il nous y guide au moyen de Sa lumière. De même que d’allumer la lumière dans une chambre obscure permet à un enfant de constater que les lions et les tigres se sont en réalité rien d’autres que des portemanteaux et des couvertures, de même pouvons-nous laisser à D.ieu le soin, grâce à Sa lumière, de dissiper nos craintes, nos péchés et nos limites.

- Réciter les seli’hot

Les seli’hot sont des prières qui débutent au mois d’Eloul (les séfarades commencent le 1er Eloul alors que les ashkénazes commencent le dernier motsei chabbat) et qui continuent jusqu’à Yom Kippour. Leur thème central, ce sont les treize attributs de la Miséricorde divine. D.ieu révéla à Moïse Sa vraie nature lorsque celui-ci implora de connaître D.ieu autant que cela est possible pour un être mortel.

En fin de compte, D.ieu ne peut être appréhendé. Notre aptitude à le connaître est limitée par le fait que nous vivons dans un temps qui déforme notre sens de la réalité. Nous sommes des êtres physiques dont la durée de vie est courte et sommes dotés d’une subjectivité émotionnelle énorme. Du fait que D.ieu est inconnaissable et transcendantal, nous essayons de Le rapetisser, pour ainsi dire, de telle sorte qu’Il semble d’approche plus facile. La manière la plus mauvaise pour arriver à ce résultat fut la construction du veau d’or. Moïse voulait des mots permettant au peuple juif d’accéder à D.ieu autant que cela est humainement possible.

Chacun des treize attributs existe également en nous-mêmes. Lorsque nous nous joignons à un groupe et proclamons ces attributs à voix haute ainsi que nous le faisons pendant les seli’hot, nous affirmons qui est D.ieu et ce que nous sommes. Cela a une telle force que le Talmud nous dit que les attributs génèrent toujours des changements.

Voici une brève traduction des attributs et leur signification.

1. « D.ieu »,

2. « D.ieu » (le tétagramme Youd-khe-vav-khe)

Le Tout Puissant nous dit qu’Il ne change pas . Il a une compassion infinie pour nous avant que nous ne péchions, sachant que nous ne sommes que des humains, et lorsque nous négligeons de vivre en accord avec ce qui fait de nous des hommes, Il est prêt à accueillir notre changement et notre repentance. En raison de cela, Son nom qui veut dire « Etre » est invoqué deux fois, une fois pour avant et une fois après notre chute et notre retour.

3. La « Force » : A l’inverse de la pitié humaine, limitée par notre patience et notre fragilité, la miséricorde divine est comparable à une force qu’on ne peut pas arrêter.

4. « Qui est Miséricordieux » : Il donne aux « pauvres », c’est-à-dire à ceux d’entre nous qui sommes pauvres spirituellement.

5. « Et plein de Grâce » : Il donne à profusion.

6. « Il est Patient » : D.ieu nous laisse le temps de changer et quand nous devons endurer des souffrances afin de changer de direction, Il les administre seulement à un niveau exigé par la situation personnelle de l’individu.

7. « Et Sa Bienveillance est grande » : D.ieu décide de nous juger favorablement lorsque nos motivations sont à la fois bonnes et mauvaises.

8. « Et vrai » : Même si quelqu’un a commis de nombreuses fautes et fait des choses abominables, D.ieu le récompensera pour tout ce qu’il a fait de bon.

9. « Crée de la bonté pour des milliers de génération » : Il autorise les forces du bien à durer éternellement. Par exemple, littéralement toute personne qui vit actuellemnt est influencée par la charité qu’Abraham, notre père, accomplit tout au long de son existence.

10. « Porte les péchés du désir » : D.ieu permet aux péchés d’agir comme un tremplin afin de hisser une personne à un niveau plus élevé que celui qu’il aurait pu atteindre sans repentir. Prenons pour exemple la personne qui a pris sur elle de respecter la cacherout et est tentée chaque fois qu’elle passe devant un restaurant non-cacher.

11. « Et les péchés de rébellion » : Même lorsque quelqu'un est si empli de sa personne qu’il éprouve le besoin de contrôler ou d'attaquer les lois humaines ou divines, s’il s’ouvre vers l’extérieur, D.ieu élargira son horizon suffisamment pour qu’il voie au-delà des limites de son ego.

12. « et les péchés de négligence » : Lorsque la source du péché consiste dans une relation passive, négligente et de renoncement à l’égard de la vie, cela est toujours dû au fait de penser de manière désespérée : « Tout ce que je fais n’a aucune importance. » D.ieu donnera le plus grand cadeau qui soit - l’espoir - lorsqu’il y a une volonté de prendre des responsabilités. Cela est vrai même si l’attitude sous-jacente dure depuis des années.

13. « et absolution » : Même l’insensibilité qui est apparemment le résultat inéluctable du développement de mauvais comportements en réponse à la vie et à autrui peut littéralement disparaître grâce à la techouva, la repentance.

Lorsque nous faisons refléter tous ces traits de caractère devant toutes ces personnes imparfaites (dont nous faisons partie) que nous croisons dans la vie, nous trouvons la nature de D-ieu qui est latente en chacun de nous et nous renforçons sa voix.

Lorsque nous nous efforçons de changer, il nous faut faire une évaluation honnête de ce que nous sommes et des choix que nous avons dû faire pour apparaître tels que nous sommes maintenant. C’est en le faisant correctement que nous nous apercevrons que nous avons faits des erreurs.

La première étape pour changer est de confesser ce qui n’allait pas entre nous-mêmes et D.ieu. Pas question d’impliquer quelqu’un d’autre ; personne n’est capable de fournir quelconque clarté spirituelle ; personne ne peut effacer un dommage spirituel et émotionnel. La deuxième étape consiste à reconnaître que tous les mauvaises décisions sont finalement nuisibles et à nous donner la permission de regretter. La troisième étape est de faire des changements pratiques et terre-à-terre dans notre comportement.

Si les péchés ont été commis envers d’autres personnes, il y a deux étapes supplémentaires. La première est de procéder à une restitution matérielle là où c’est réellement possible (par exemple, rendre l’argent que nous savons ne pas nous appartenir selon les critères de la Torah) et la seconde est de nous réconcilier en demandant le pardon.

Assurons-nous de bien utiliser le mois d’Eloul, de faire en sorte qu’il nous pousse à vivre une vie authentique et à ressentir envers notre prochain une plus grande ouverture, plus d’amour et plus d’indulgence.

Traduction et Adaptation de Claude Krasetzki

http://www.lamed.fr/Hagim/noraim/1963.asp

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