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Oui, on rit, et plus que jamais, à Marrakech

De 8 au 12 juin, dix jours après un attentat meurtrier, s’est tenue dans la Perle du sud la première édition d’un festival du rire organisé par Jamel Debbouze, qui avait pris dans ses valises ses amis humoristes.

Encore une fois, l’humoriste franco-marocain Jamel Debbouze a fait un carton plein en organisant, du 8 au 12 juin, la première édition du Festival du rire de Marrakech. Au programme des festivités, des humoristes maghrébins et français qui ont égayé les cœurs des Marrakchis. Sont venus, Gad Elmaleh, Patrick Timsit, Elie Semoun, Florence Foresti, l’Algérien Abdelkader Secteur, sans oublier les deux stars montantes du Jamel Comedy Club : Malik Benthala et Redouanne Harjane. Dans un autre registre que celui de l’humour, l’immense Zinedine Zidane, l’ami intime – et timide – de Jamel, est monté sur scène aux côtés d’Omar et Fred pour présenter un numéro de magie qui restera dans les annales.

Sur les planches du Palais Badia, Jamel Debbouze annonce, dès le premier jour, la couleur : « On va vous faire un spectacle presque parfait. » Manifestement le pari est réussi. Le public est réceptif et conquis par les prestations des différents humoristes. Tout n’était pourtant pas gagné d’avance. Le public marocain n’a pas la réputation d’être facile. Qui plus est, les sujets du royaume alaouite ont un rapport à l’humour différent de celui que pourrait avoir un Français ou un Européen. Pas de choc des civilisations pour autant, ni même un manque d’ouverture, mais certains sujets ne passent visiblement pas. Les vannes en dessous de la ceinture sont mal perçues. L’humoriste français Élie Semoun en a fait les frais. Le public n’a pas été « très réceptif » à son talent, quand dans son sketch sur les relations adultérines, il lâche : « Avec ton mari on b****. »

Ceci dit, les Marocains ne manquent d’autodérision, un art dans lequel les Maghrébins excellent. Ils rient vraiment de bon cœur quand les humoristes français les caricaturent sur des sujets qui les renvoient à leur propre identité. Patrick Timsit avec son habituel ton corrosif s’y est essayé : « J’ai adopté un p’tit juif, un p’tit Arabe mais le petit Arabe t’as beau le bichonné, quand il grandit il devient un Arabe. » Attention tout de même à la manière de charrier les Marrakchis. La nature et le ton des sketchs doivent être adaptés au public auquel on s’adresse. Patrick Timsit l’a bien compris quand il dit à l’assistance : « N’y voyez pas du mauvais esprit de ma part. J’espère que vous n’êtes pas choqué. »

Tous ne sont pas heurtés par la nature de certains sketchs. Souad, une Marrakchi, estime que certains passages sur l’islam, les origines et les Arabes sont déplacés, alors qu’Aziz, spectateur également, prend cela avec plus de recul et d’humour : « Pour moi c’est du second degré. » Dans l’ensemble, comme Aziz, le public a trouvé le gala « exceptionnel ».

Il faut une bonne dose d’audace pour organiser un festival du rire, dix jours après l’attentat perpétré dans la même ville, au café Argana, situé sur la grande place Djemaa el Fna et qui a fait quinze morts. Mais Jamel Debbouze connaît bien la mentalité des Arabo-berbères, et son festival fut pour ça une réussite.

Un peuple passif face aux turpitudes du pouvoir, c’est ce qu’on dit trop souvent sur les fils ainés d’Abraham. Les révolutions encore fraîches ou en cours prouvent le contraire. Malgré les épreuves, les Marocains n’ont qu’une envie aujourd’hui : continuer de vivre, d’espérer et s’amuser. Le festival du rire de Marrakech a parfaitement remplie cette mission.

Mimissa Barberis (Marrakech)

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