Share |

Le Dernier Voyage, par Victor Assouline

Le Dernier Voyage.

Quand le Messie s’en mêle.

 

Ben Gourion Airport…. Le 5 Octobre 2023….

L’avion qui me ramène à Los Angeles fait le plein. Il a intérêt.

J’ai un vol de 15 heures devant moi.

Là-bas rien ne m’attend sauf mes illusions. Err… Mes infusions.

J’ai commencé ce texte il y a trois mois pour raconter, comme Ulysse, un beau voyage, qui m’a amené dans une dizaine de villes entre le Maroc et Israël. Et, bien sûr, le but du voyage, Jérusalem.

Je me suis entêté et je me suis endetté (d’ailleurs je vais lui dire que je ne vais pas lui rendre son argent. Maintenant c’est lui qui ne va pas dormir.)
Il n’y pas un juif qui ne la connaît pas cette blague.

Mais les événements ont pris le dessus et j’en ai perdu l’envie. J’en ai perdu le goût.

Ne me demandez pas comment je vais, je ne vais pas bien. Pas du tout même. Je vis très mal ce qui se passe.

On me trouve triste, un peu maussade (Mossad ?).

Mes docteurs râlent, j’oublie mes médicaments. Je rate mes infusions.

Et alors !!!

Comme j’habite à la synagogue je passe du temps à lire les psaumes et à papoter avec le Grand patron.

En tout cas, je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais, entre le réchauffement de la planète, l’intelligence artificielle, le volcan qui va exploser, les problèmes au Nagorny Karabakh, le Covid, (que j’ai attrapé d’ailleurs), il suffirait d’une révolution au Balûchistân ou que Donald Trump soit élu pour nous envoyer tous chez le psychiatre …ou rentrer dans les ordres (hébreux bien sûr).

En parlant de ça, si le Messie doit venir, j’espère qu’il vienne avant l’Apocalypse... Il y a définitivement un air de fin du monde.

J’ai lu quelque part que, pour beaucoup de gens, le temps s’est arrêté le 7 Octobre. Moi j’aurais voulu que le temps s’arrête pour moi le 5 Octobre ou même le 6 et, que, dans un élan noble et poétique, comme dirait notre ami Bob Ore, je disparaisse dans cet avion. Que je parte avant que mes rêves ne tournent au cauchemar…avant que mes au revoir ne se transforment en adieux. (Mais je suis devenu poète ou quoi ?)

Vers la fin de ce beau voyage, je n’en pouvais plus. J’ai flanché, j’ai donc annulé mes vols pour Paris et NY prévus pour le 7 octobre et j’ai choisi un vol direct Tel aviv-Los Angeles.

Le 5 octobre.

Je raconte.

Après un arrêt à New York chez des amis et à Dar Bouazza chez une grande amie à moi, j’avais maintenant hâte d’arriver à Dar Demana, dans la palmeraie de Marrakech. J’habitais là de nombreuses années avant que mon cancer ne m’oblige à rentrer aux USA.

Layla, ma muse, m’attendait.

J’ai été reçu en fils prodigue. Ils sont venus de toute part pour me saluer. On m’enlace, on m’embrasse. Notre Juif est revenu.

Je rentrais dans ma famille. Elle qui m’avait adopté depuis longtemps.

Et pour laquelle j’avais fait de même.

Le 15 septembre ils m’ont fêté mon anniversaire autour de la piscine avec une vingtaine d’amis et voisins.

Sur un fond de palmiers et de coucher de soleil, j’ai fêté mes 75 ans. C’était, sans aucun doute, mon plus bel anniversaire.

8 jours après, ma muse et quelques amies m’accompagnaient à l’aéroport pour mon vol, tenez-vous bien, Marrakech Tel Aviv sur EL AL. …..Je rêve ou quoi ? Départ à 1 heure du matin ….. pour rester discret quand même.

Quel beau pays…Je n’avais pas mis les pieds en terre sainte, depuis au moins 25 ans. La dernière fois étant, à l’insistance de la famille, quand j’ai ramené la dépouille de mon frère Félix ZL, mort d’un accident de voiture à l’âge de 19 ans en Espagne et enterré là-bas pendant 40 ans. La première chose que j’ai donc faite en arrivant c’est de péleriner sur sa tombe.

Yom kippour au Kotel à Jérusalem. Je l’ai rêvé, je l’ai fait. J’ai passé la nuit au mur des lamentations. J ai expié tous mes péchés. Même s’il y en a qui reviennent, comme, parfois, la petite cigarette du Shabbat. (J’ai tout essayé.)

Mais bon je me rattrape autre part. J’aide les vielles à traverser la rue.

Mais pour être tout a fait franc j’ai la forte impression que je parlais à un mur.

Je n’ai jamais vu autant de religieux de ma vie. Chaussettes blanches jusqu’aux genoux et nids d’oiseaux sur la tête.

Au niveau sécuritaire tout baigne dans l’huile. Tout est paisible et dans la bonne humeur. J’ai vu 2 soldates mitraillette en bandoulière à une des entrées. Elles discutent avec les chauffeurs de taxis, tous arabes, et qui attendent impatiemment la fin de kippour. Ce soir ils vont ramener du pain à la maison. Ils parlent mieux l’hébreu que moi et je le parle assez bien. Après ca j’ai eu une audience privée avec le Bon Dieu. Que de Bonnes nouvelles à mon sujet, ce n’est pas pour demain. J’ai suggéré le 5 ou même le 6 octobre, il m’a dit non d’un ton sévère.

Je vous avertis, le Seigneur n’aime pas être contredit.

Le lendemain de kippour, assis j’attendais une vielle amie avec qui je voyageais un peu partout, dans ma période hippy la Grèce, la Turquie, l’Iran.

Ca va nous faire tout drôle de nous revoir après 50 ans. Elle m’a rappelé un épisode sympa.

On devait rencontrer des amis à Goa aux Indes. Il nous fallait donc passer par Kabul. On s’est présenté à l’ambassade d’Afghanistan à Téhéran! Elle avait un passeport israélien et moi aussi, ils ont pris nos deux passeports et les ont jetés de toute leur force aussi loin qu’ils pouvaient.

 Ils nous ont jetés comme des malfrats. L’idée venait d’elle !!. Elle est mariée depuis longtemps à un homme qui avait déjà neuf enfants, elle est maintenant arrière-grand-mère. Ça lui suffit. Elle habite à Mea shearim……… plus religieux que ça tu meurs.

Assis au café on a assisté à une scène plutôt insolite. Le proprio interpelle le chauffeur d’un camion. Mohamed ! ma hévéta li hayom ?.. Mohamed, Qu’est ce que tu m’as amené aujourd’hui ? Rak shalom..Rak shalom, que la Paix ..que la paix, a répondu Mohamed.

A ce moment-là, j’étais convaincu que la paix était juste au tournant.. Un beau jour pour mourir et emporter avec moi tous ces souvenirs.

Voyez-vous, le 5 ou même le 6, je serais parti, sans rien voir, sans rien entendre, confiant dans l’avenir de ce beau petit pays. Ce qui n’est plus le cas.

Dans mon bungalow à la synagogue, je mâche et je rumine. Mes rêves brisés, ma confiance ébranlée. Tenez bon les mecs on passe un mauvais quart d’heure. On vient de se mettre trois milliards de jeunes sur le dos et j’espère qu’on ne devra pas raser les murs pour la énième fois. Je pleure notre destinée le cœur meurtri, j’entends de loin déjà des amitiés qui se déchirent.

(Je suis devenu poète ou quoi ?) Israël qu’on enviait est devenu Israël que l’on hait.

Le 9 octobre J’ai envoyé un texte à un ami …Mon cher Lahcen….j étouffe. Je t’embrasse.

Il répond : Mon cher Victor, je te comprends et j’ai le même sentiment. Ce monde est devenu fou et barbare. Accroche-toi à ton humanité car malgré les horreurs auxquelles on assiste, il y a encore des hommes dans cette jungle inhumaine.  Surtout prend soin de toi, je t’embrasse très fort.

Quand je pense qu’il y a 4 ans, la prestigieuse université où il enseigne avait ouvert une synagogue sur leur campus et qu’il m’avait proposé mi sérieux si je voulais en être le Rabbin. Mécréant que je suis j’ai bien sur refusé. Cela dit, j’aurais été compétent puisque j’ai fait la Yeshiva. J’ai bien peur qu’elle ne soit fermée maintenant.

Au final je réalise que cette histoire est triste à mourir. Un peu trop sombre à mon goût, mais je suis tombé par hasard sur une fameuse phrase qui pourrait élever mon état d’âme :

« De toute calamité nait une opportunité. » Winston Churchill

OUI  !!! D accord !!! Peut-être !!!! Mais j’insiste pour mon 5 octobre.

Le Miracle continue et mon ange gardien m’ouvre le chemin.

 

Victor Assouline

victorassouline48@gmail.com

Commentaires

Publier un nouveau commentaire

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.
CAPTCHA
Cette question permet de s'assurer que vous êtes un utilisateur humain et non un logiciel automatisé de pollupostage (spam).
Image CAPTCHA
Saisir les caractères affichés dans l'image.

Contenu Correspondant