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Croyances et cultures au Maroc

Croyances et cultures au Maroc

Le Maroc, n’est pas une démocratie à part entière, comme c’est le cas en Occident, mais progressivement, le pays avance lentement mais surement dans cette direction. En effet, la constitution de 2011 a permis la dévolution du pouvoir et a renforcé l’identité diversifiée de l’individu marocain : il est Arabe, Musulman, Amazigh, Juif, Africain et Méditerranéen.

Tolérance

La tolérance a été à travers les siècles un mode de vie du pays et est la seconde nature des marocains, pour ne pas dire qu’elle fait probablement partir de leur ADN. Les Juifs sont arrivés au Maroc en l’an 7O après la destruction de leur deuxième temple par les Romains. Ils ont été bien accueillis par le peuple autochtone amazigh/berbère et se sont rapidement fondus dans leur tissu social pour deux raisons : premièrement, parce qu’ils étaient tribaux et deuxièmement, ils partageaient le trait d’un fort système matriarcal.

Les Juifs, bien que minoritaires, ont réussi à convertir du paganisme une partie du peuple amazigh/berbère au judaïsme sans effacer leurs fortes croyances païennes telles que des pratiques liées à des rites de fécondité agricoles dont même l’Islam n’a pas pu se débarrasser.

Pendant que les Amazighs concentraient leurs efforts sur l’agriculture, l’élevage du bétail et l’élevage domestique, les Juifs développèrent le commerce et les premières pratiques bancaires, une tradition qui ses perpétua pendant des siècles, jusqu’à leur départ pour Israël, à compter des années cinquante du vingtième siècle, après la création de l’Etat Hébreu en Palestine en 1948.

Le substrat culturel judéo-amazigh

Le substrat culturel judéo-amazigh est indubitablement la fondation de la culture marocaine de la tolérance et de l’acceptation qui sont exprimés à travers certains rituels tels que :

1-la tradition extrême d’hospitalité ;

2-la cérémonie de dégustation de thé ;

3-le partage des célébrations religieuses ;

4- la solidarité sociale connue sous le nom de « twiza » ; et

5- la cérémonie du henné.

A travers l’histoire marocaine, il y avait sans aucun doute des ‘’pogroms’’ (massacres) et les Juifs n’étaient pas des citoyens à part entière dans les villes et étaient souvent mal traités par des fanatiques religieux musulmans et considérés comme des citoyens de seconde classe. Par conséquent, les Sultans ont pris sur eux de protéger leurs citoyens juifs et, en tant que tel, leurs ont construits des quartiers appelés ‘Mellah’, attenants à leurs palais. La tolérance marocaine a atteint son apogée en 1492, après la chute de Grenade et l’avènement de la Reconquista. Les Autorités catholiques espagnoles ont adopté un décret privant les Juifs séfarades de leur nationalité, de leurs biens et de leurs richesses en les expulsant. Un grand nombre d’entre eux sont venus au Maroc en pleine détresse pour demander l’asile et ont été bien accueillis par le Sultan amazigh wattassid Abou Zakariya Muhammed al-Salih al-Mahdi et les marocains.

Les Juifs séfarades d’Espagne étant donné leur éducation et leur expertise sont rapidement devenus les hommes d’affaires accrédités du sultan : toujjar soultan, banquiers, politiciens et diplomates et jusqu’à leur exode vers Israël ont rendu de précieux services au pays et à la monarchie.

Au cours de la seconde guerre mondiale, la France de Vichy (Juillet 1940- Septembre 1944) ; qui était l’autorité de protectorat français du Maroc, a chargé la monarchie de stationner tous les juifs dans les camps et de leur faire porter l’étoile de David. En réponse, le Sultan Mohammed V a informé les français que les Juifs marocains étaient ses sujets et que tout la Maroc était Juif et donc que tous les marocains porteraient l’étoile de David s’ils y étaient contraints par force.

Des flambées de panarabisme dans les années 1950, dans certaines régions du pays, ont déclenché une vague d’antisémitisme et ce mouvement, associé aux efforts hyperactifs de l’Agence juive a encouragé les Juifs à commettre l’‘’ acte de se rendre à Jérusalem ’’, connu sous le nom d’Aliyah de la ‘’Terre promise’’, a conduit à un départ massif des Juifs marocains. En dépit de cela, le regretté roi Hassan II n’a ni rappelé leur nationalité marocaine ni annulé leurs propriétés, il a plutôt invité les Juifs marocains à revenir dans leur patrie.

Aujourd’hui, les marocains regrettent le départ de leurs frères juifs, et cela a été exprimé ouvertement dans des films documentaires à succès tels que : Tinghir-Jerusalem par Kamal Hachkar (Icarus film) paru en 2014 et Juifs Marocains : Destinées Détachées par Younes Laghari (Younslag Films).

Hassan II et son fils Mohammed VI ont activement, au cours des dernières décennies, également rénové tous les cimetières, écoles, synagogues et les sites Juifs importants du pays, en tant que signe de bonne volonté et de tolérance.

Aspects modernes de la tolérance

Depuis l’indépendance en 1956, le Maroc a mené une action secrète en tentant d’amener Palestiniens et Israéliens à la table des négociations. Le feu roi Hassan II a reçu le premier ministre israélien Simon Pérès en Juillet 1986 et a eu avec lui une discussion exploratoire à huis-clos qui a abouti à une avancée majeure dans les initiatives de paix au Moyen-Orient. Ces contacts diplomatiques ont porté leurs fruits en 1993 avec l’accord de paix d’Oslo I appelé Déclaration de Principes sur les Arrangements Intérimaires d’Autonomie et Oslo II de 1995, communément appelé Accord Intérimaire sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza entre Palestiniens et Israéliens aboutissant à la création de l’Autorité Palestinienne.

Mais la tolérance Marocaine ne s’exprime pas seulement à travers l’acceptation des Juifs marocains, elle s’exprime également en autorisant les islamistes, après 2011, d’arriver au pouvoir et de diriger le pays à ce jour, dans les limites établies par la constitution de 2011. Aujourd’hui, les islamistes sont toujours au pouvoir, bien qu’ils soient affaiblis par leur faible rendement économique et leurs nombreux faux-pas moraux et éthiques.

L’aspect le plus important de la tolérance aujourd’hui est probablement la reconnaissance officielle de la culture et de la langue Tamazight en tant que langue officielle en plus de l’Arabe.

Un autre aspect important de la tolérance est l’acceptation et la formalisation de la migration africaine. Depuis les années 2000, de nombreux africains subsahariens sont venus en masse au Maroc avec l’espoir de rejoindre l’Eldorado européen mais n’ont pas réussi à le faire et n’ont pas pu non plus retourner dans leurs pays s’origine pour des raisons économiques ou politiques. Sympathique à leur situation difficile, le Maroc a accueilli des milliers de migrants africains en leur donnant des papiers officiels et en leur ouvrant des portes leur permettant de travailler et d’éduquer leurs enfants comme tout marocain ordinaire. Cette démarche a été saluée par la plupart des pays du monde et dans une expression de gratitude envers le pays, les Nations Unies ont convoqué une Conférence Intergouvernementale pour adopter le Pacte Mondial pour une migration sure, ordonnée et régulière.

Le Maroc accepterait-il les LGBTQ, les Chrétiens marocains et les Chiites ?

Aujourd’hui, il existe de nombreux autres groupes qui vivent dans l’ombre et attendent le moment propice pour sortir. Ils sont tolérés mais pas reconnus officiellement.

Tout au long de l’histoire les homosexuels ont toujours existé au sein de la culture marocaine et ont été quelque peu ‘toléré’. On pense qu’ils sont touchés par une maladie incurable et ‘un problème de société si honteux’ mais, néanmoins, une partie intégrante de celle-ci. A cause de cette lourde stigmatisation sociale, ils ont toujours vécu dans le secret et la peur totale. Les femmes homosexuelles, connues en Arabe comme ‘saHaqiyat’ ne sont pas du tout tolérées, et sont considérées comme étant des « personnes anormales et dangereuses » ou encore comme des « personnes possédées par un mauvais esprit » résolus à la destruction sociale. Ceci explique pourquoi la majorité des femmes homosexuelles au Maroc choisissent d’immigrer vers l’Europe ou d’étouffer leur identité sexuelle et essayer de vivre, en apparence, une ‘vie normale’.

Toutefois, ces femmes et hommes peuvent exprimer librement leur identité sexuelle dans certaines zones sélectives, principalement les bains publics.

Les homosexuels marocains sont entrés en notoriété ces dernières années quand un écrivain homosexuel marocain nommé Abdellah Taia a publié plusieurs livres en France liés à son expérience personnelle comme homosexuel issu d’un pays musulman. Il a en effet publié huit romans, dont beaucoup sont autobiographiques et traduits dans des langues telles que : le Basque, le Néerlandais, l’Anglais, l’Italien, le Roumain, le Suédois, le Danois et l’Arabe.

Décrit par le Magazine d’Entrevue comme un transgresseur littéraire et parangon culturel, Taia est devenu le premier écrivain arabe ouvertement homosexuel en 2006.

« Les travailleurs du Sexe »

Bien que considérée comme la plus vieille profession du monde, la prostitution est aussi la plus vieille profession stigmatisée et le plus important soutien de famille au Maroc. La prostitution a toujours été tolérée mais depuis l’indépendance, elle est devenue un facteur économique important.

Le Maroc n’ayant pas de pétrole, il s’est fait un nom grâce au tourisme, l’un de ses principaux secteurs économiques et des villes comme Agadir, Marrakech, Fès, Rabat et Tanger ont attiré des milliers de visiteurs au cours des cinquante dernières années, et le Maroc est devenu, à terme, attrait du tourisme sexuel et de la pédophilie, en particulier pour les habitants des pays riches du Golfe, où la prostitution est sévèrement proscrite et où l’activité sexuelle est autorisée uniquement dans le cadre du mariage, et, aussi, de l’Europe.

Ainsi, les jeunes et les adultes du Golfe affluent au Maroc pour satisfaire leurs désirs et fantasmes sexuels et, en conséquence, beaucoup de jeunes femmes marocaines partent dans un mouvement inverse, aux Émirats Arabes Unis, à Bahreïn, au Qatar, en Jordanie, etc. pour travailler dans des hôtels, des bars et les boîtes de nuit en tant que « travailleurs du sexe ». Avec l’argent gagné dans ces pays, beaucoup de femmes rentrent au Maroc et lancent une entreprise « acceptable » afin de mener une vie « décente et acceptable ». Ces femmes portent le hijab, se rendent en pèlerinage à la Mecque et entament une nouvelle vie de piété religieuse pour « plaire » à la société et entreprendre une voie de pénitence salutaire.

Croyances des autres religions

Le Maroc est un pays sunnite de l’école malékite et, outre le judaïsme reconnu dans la constitution de 2011 comme un affluent culturel, aucune autre religion n’est reconnue ou officiellement acceptée, bien que les chrétiens d’autres nationalités soient invités à pratiquer leur religion en toute liberté, à l’exception de toute autre activité de prosélytisme, que ce soit.

Les Marocains convertis aux autres religions, vivent à l’étranger et rentrent rarement au Maroc, comme dans le cas du célèbre prêtre catholique marocain Jean Mohamed Ben Abdeljalil (1904 – 1979) qui s’est converti au christianisme en 1928 et a vécu depuis en France où il a pris plusieurs postes d’enseignant.

Cependant, depuis l’avènement du troisième millénaire et de la révolution digitale, de nombreux Marocains se sont convertis au christianisme ou ont migré du sunnisme au chiisme, pour des raisons financières ou pour des raisons purement philosophiques. Les Chiites sont situés principalement dans le nord, avec une forte concentration à Tanger.

En ce qui concerne les chrétiens marocains, leurs groupes confessionnels sont connus des services de renseignement, de sécurité et de nombreux autres citoyens. Ils sont donc tolérés et indirectement protégés. Ils effectuent leurs services religieux dans des foyers éloignés du public, mais ils demandent depuis peu une reconnaissance officielle, ce qui semble difficile à leur accorder à l’heure actuelle en raison de la présence d’un extrémisme religieux au Maroc et dans d’autres pays islamiques.

Pour les autorités, les reconnaître peut soit affaiblir et vaincre l’extrémisme, soit le rendre plus puissant au sein de la société. Compte tenu de ces défis, les responsables estiment qu’il est préférable que ces groupes restent dans la clandestinité, principalement pour leur sécurité et leur bien-être.

Visite Papale

Les 30 et 31 mars 2019, le pape François s’est rendu au Maroc, à l’invitation du roi Mohammed VI, pour un court séjour axé sur le dialogue interreligieux et la situation des migrants. Il s’agit de la première visite d’un pape au royaume du Maroc depuis celle de Jean-Paul II en 1985.

De nos jours, le Maroc est musulman à 99% et compte entre 30 000 et 35 000 catholiques, soit dix fois moins qu’avant son indépendance, en 1956. Sur les 200 églises existantes à l’époque de la colonisation française et espagnole, il n’en compte actuellement que 44. Leur conservation est particulièrement liée à l’afflux de Sub-sahariens et à celui d’étudiants africains attirés dans les années 1990 par le système éducatif marocain et leur octroi de bourses universitaires, et depuis dix ans par celui de migrants.

Devant des milliers de Marocains et du roi Mohammed VI, le pape a défendu « la liberté de conscience » et la « liberté de religion », permettant à chacun de vivre selon sa conviction religieuse, dans un discours prononcé sur la vaste esplanade de Rabat: « liberté de La conscience et la liberté religieuse – qui ne se limitent pas à la liberté de culte mais permettent à chacun de vivre selon sa propre croyance religieuse – sont indissociablement liées à la dignité humaine « , a déclaré le pontife en appelant les croyants à :  » vivre comme des frères « .

Dans une note liminaire adressée au pape en visite, le roi Mohammed VI a exprimé la tolérance marocaine dans un discours qu’il a prononcé en Arabe, Français, Espagnol et Anglais pour que la forte conviction marocaine en un dialogue interreligieux soit universelle.

Mot de fin

Depuis l’adoption de la constitution de 2011, le Maroc a officiellement déclenché un mouvement de démocratie progressive. Ce mouvement est à long terme bénéfique pour le bien-être de la nation. Son développement peut être couronné de succès si les libertés individuelles sont acceptées et calibrées par la loi.

Les LGBTQ marocains sont des Marocains à part entière, ils ne sont pas « malades » ou quoi que ce soit, ils sont aussi normaux que les hétérosexuels, ils doivent donc être acceptés comme tels par la loi du pays et aidés à sortir du placard pour les réhabiliter dans un délai raisonnable dans la vie réelle et les protéger contre la stigmatisation et les stéréotypes. Ce sont des gens qui aiment leur pays et veulent mener une vie normale dans des circonstances normales.

Le Maroc est un pays pluriel aux identités culturelles, ethniques et religieuses multiples. Si les juifs sont acceptés aux côtés des musulmans pendant plus de deux millénaires, pourquoi ne pas accepter les chiites et les chrétiens. Quelle est la différence ? Être marocain, c’est parler de Tamaghrabit (amour du pays) et non de religion, de culture ou d’identité. Un marocain est marocain parce qu’il tient son pays dans son cœur et non à cause de sa religion, de son origine ethnique ou de son identité.

Mohamed Chtatou

à propos de l'auteur
Analyste politique et professeur universitaire spécialisé en anthropologie sociale et politique de la région MENA et en judaïsme marocain.

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