(New York) « Ce que fait Biden à l’égard d’Israël est honteux. Si un Juif a voté pour Joe Biden, il devrait avoir honte. Il abandonne totalement Israël. »

Avant d’entrer dans la salle d’audience où devait se dérouler une autre journée de son procès pénal à New York, Donald Trump a tenu ces propos incendiaires, voire antisémites, jeudi dernier. Il réagissait à la menace formulée la veille sur CNN par Joe Biden selon laquelle les États-Unis suspendront la livraison de certaines armes à Israël en cas d’offensive majeure à Rafah.

Ce n’était pas la première fois que l’ancien président attaquait les électeurs de confession juive de la sorte. En mars dernier, il avait affirmé que « toute personne juive qui vote pour les démocrates déteste sa religion », avant d’ajouter, en parlant des électeurs juifs prodémocrates dans leur ensemble : « Ils détestent tout ce qui concerne Israël, et ils devraient avoir honte, car Israël sera détruit. »

 

Le numéro de haute voltige auquel se livre Joe Biden dans le dossier de la bande de Gaza lui coûtera peut-être sa réélection. Après s’être mis à dos nombre de jeunes, d’Arabo-Américains ou de musulmans excédés par son soutien en apparence inébranlable à Benyamin Nétanyahou, le président démocrate est aujourd’hui accusé de faire le jeu du Hamas au détriment d’un des plus précieux alliés américains. Et l’accusation ne vient pas seulement du camp républicain.

« N’oublions pas qu’il y a plus d’électeurs juifs qui se soucient d’Israël que d’électeurs musulmans qui se soucient du Hamas », a écrit Haim Saban, grand donateur démocrate, dans une lettre adressée à Joe Biden la semaine dernière.

Malaises trumpistes en Israël

Les médias accordent évidemment une grande attention aux acrobaties diplomatiques qui pourraient précipiter la chute de Joe Biden. Mais le comportement de Donald Trump dans le même dossier, qui fait davantage penser à celui d’un éléphant dans un magasin de porcelaine qu’à celui d’un danseur de corde, ne peut être ignoré.

Or, la grande question est de savoir si le candidat républicain souffrira le moindrement sur le plan électoral de ses propos contradictoires à l’égard d’Israël ou de ses commentaires jugés antisémites.

Retour en arrière. Après l’attentat terroriste du 7 octobre perpétré par le Hamas en Israël, le premier réflexe de Donald Trump a été de critiquer le premier ministre israélien et les services de renseignement de son pays. Lors d’un rassemblement tenu à West Palm Beach le 11 octobre, il a ainsi trouvé pertinent de rappeler que « Bibi » Nétanyahou avait renoncé à la dernière minute à la participation d’Israël à l’opération qui a mené à l’élimination du général iranien Qassem Soleimani, le 3 janvier 2020.

« Je n’oublierai jamais que Bibi Nétanyahou nous a laissés tomber. C’était une chose terrible », a-t-il déclaré.

Donald Trump n’avait surtout pas oublié ou pardonné au premier ministre israélien d’avoir rapidement reconnu la victoire de Joe Biden après l’élection présidentielle de 2020. Dans son esprit transactionnel, il s’agissait d’une trahison. Après tout, n’avait-il pas tout donné au premier ministre Nétanyahou pendant son mandat à la Maison-Blanche ? Le déménagement de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem ; la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur les hauteurs du Golan occupé ; la réduction de l’aide aux Palestiniens.

Certes, Israël vivait un drame national, mais Donald Trump n’a pu s’empêcher de profiter de l’occasion pour régler ses comptes avec Benyamin Nétanyahou.

En mars dernier, il a de nouveau créé un malaise en Israël. Lors d’une entrevue accordée à deux journalistes de ce pays, il a exhorté le premier ministre Nétanyahou à mettre fin rapidement à une guerre qui nuisait selon lui à l’image internationale d’Israël.

« Nous ne pouvons pas continuer ainsi », a-t-il précisé.

« Trump a effectivement contourné Biden sur sa gauche », a écrit l’un des journalistes israéliens, employé par un quotidien appartenant à la donatrice milliardaire du Parti républicain Miriam Adelson.

L’entourage de Donald Trump s’est empressé de préciser que l’appui de Donald Trump à Benyamin Nétanyahou et à Israël dans leur guerre contre le Hamas demeurait indéfectible.

Contradictions

Mais Donald Trump n’est pas à une contradiction près dans ce dossier. Lors d’un rassemblement tenu en Pennsylvanie à la mi-avril, il a sympathisé avec des partisans qui se sont mis à scander « Genocide Joe », slogan utilisé par certains manifestants propalestiniens.

« Ils n’ont pas tort, ils n’ont pas tort », a lancé l’ancien président. Puis, en faisant allusion à son successeur, il a ajouté : « Il a tout fait de travers. »

Aux yeux de Donald Trump, la menace récente de Joe Biden à Israël est une autre erreur. Mais il semble incapable de critiquer la politique du président sans attaquer ses partisans juifs.

Selon Dan Froomkin, rédacteur en chef du site Press Watch, les critiques de Donald Trump à l’endroit des Américains de confession juive sont « offensantes, fausses et hautement antisémites ».

Il est évidemment faux de dire que les Juifs prodémocrates détestent leur religion ou Israël, a-t-il noté en mars dernier (en 2020, Joe Biden a récolté près de 70 % du vote juif). Une telle généralisation est la définition même d’un « stéréotype raciste », a-t-il ajouté, reprochant aux médias de ne pas confronter Donald Trump sur ces questions.

Selon Dan Froomkin, il est tout aussi grossier de dire que les Juifs américains devraient avoir pour Israël une loyauté qui transcende les dossiers politiques qui les intéressent aux États-Unis. Une telle idée repose sur « la calomnie antisémite selon laquelle les Juifs américains ont une double loyauté », a-t-il écrit.

Donald Trump se défend évidemment d’être antisémite. Après tout, sa fille et les petits-enfants qu’elle lui a donnés ne sont-ils pas juifs ? Et tant pis pour la porcelaine brisée lorsqu’il ouvre la porte de Mar-a-Lago à Nick Fuentes, négationniste notoire de l’Holocauste, comme il l’a fait en novembre dernier.