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L'antisémitisme est-il une tradition française ?

 

 

[ Par Boaz Gasto ]

C’est une question que j’ai été amené à me poser tout naturellement en tant que juif mais également en tant que responsable communautaire car je suis le vice-président d’une des synagogues de Toulouse mais aussi vice-président de la Licra Toulouse-Occitanie et président de l’association All With Us - Tous Avec Nous - qui œuvre au rapprochement des peuples malgré leur différence et leur divergence et tout simplement en tant que citoyen français

 

J’ai connu une période où l’antisémitisme semblait avoir été oublié. Issu de l’école républicaine j’avais des copains de tout bord, de toute race, de toute religion et nous avions la chance, je m’en aperçois aujourd’hui, de ne faire aucune différence entre nous. La religion pour celui qui était pratiquant était reléguée à la sphère privée et quand nous étions à l’école ou à l’extérieur nous étions dans l’espace républicain laïque, heureux de nous retrouver entre copains de jeu ou entre amis.

Cette situation idyllique n’a pas duré et puis petit à petit, les temps ont changé.

J’ai rejoint en 2003 le bureau exécutif d’une synagogue car je voulais m’impliquer un peu plus dans la communauté. Au début, nous avions uniquement des fonctions de gestionnaires mais au fil des années, une notion est apparue qui est devenue primordiale et obligatoire : celle de la sécurité. Ainsi de gestionnaires bénévoles nous avons dû devenir très rapidement des professionnels de la sécurité sans bénéficier d’une quelconque formation, en apprenant sur le tas. En quelques mois, le rôle de responsable communautaire s’est professionnalisée car la montée de l’antisémitisme s’est imposée comme une réalité.

On avait connu la liberté de la parole, on a découvert la liberté des actes car on s’est remis à tuer des juifs en France.

2015 restera l’année où l’armée s’est déployée devant les écoles juives, les synagogues et les centres communautaires. Des lieux jusque-là considérés comme des refuges et devenus soudain des cibles.

Quel impact psychologique sur nos enfants de voir dans tous les lieux où ils se trouvent, ces soldats le pistolet mitrailleur en bandoulière ?

Alors certains, de plus en plus nombreux décident de quitter une France jugée dangereuse pour leurs enfants et petits-enfants :

Les chiffres du SPCJ organe de Sécurité et de Protection de la Communauté Juive sont éloquents :

En 2015, 808 actes antijuifs ont été recensés. En comparaison 323 actes anti musulmans ont été enregistré pour la même période.

La terminologie retenue pour la dénomination précise d’un acte antisémite par le ministère de l’intérieur et reprise par le SPCJ est la suivante : il s’agit de tous les actes qui sont constitués d’actions et de menaces :

Pour les actions : les attentats ou tentatives, les homicides ou tentatives, les violences, les incendies ou tentatives, les dégradations ou vandalisme,

Pour les menaces : les propos, gestes menaçants et démonstrations injurieuses, les tracts et courriers, les inscriptions.

Le 9 janvier 2015, 29 personnes (hommes, femmes, enfants) sont prises en otage dans un supermarché cacher.  4 personnes y sont exécutées de sang-froid.

En 2015, une fois de plus, les juifs, qui représentent moins de 1% de la population totale, sont la cible à eux seuls de 40% des actes racistes commis en France et de 49% des violences racistes aux personnes. En moyenne, 2 actes antisémites sont recensés par la police chaque jour au cours de cette année.

Pour la première fois, l’antisémitisme atteint un niveau extrêmement élevé et on peut dire que les actes judéophobes commis sont le produit de facteurs endogènes ; les dynamiques franco françaises de l’antisémitisme se suffisent désormais à elles-mêmes pour atteindre des sommets.

Même si l’on peut penser que l’année 2016 sera moins difficile pour les juifs français, elle a tout juste démarrée qu’une attaque à la machette hyper violente a été perpétrée par un jeune de 15 ans.

Et cette attaque a donné lieu à un débat surprenant dans la communauté juive : doit-on devenir des juifs cachés ?

Peut-on continuer à être juif en France sans risquer de se faire tuer, notamment à Toulouse qui fait partie des 10 villes les plus touchées par l’antisémitisme et qui arrive à la 4eme position avec 22 actes recensés pour 2015 ?

Ainsi, il est légitime de s’interroger aujourd’hui sur l’avenir des Juifs en France. La récente flambée de violences antijuives signe-t-elle la fin du “franco-judaïsme” longtemps donné comme l’exemple emblématique du bon fonctionnement de l’assimilation à la française ?

Annonce-t-elle l’effacement du mythe du “vivre ensemble” que le “creuset républicain” avait rendu possible ?

Le modèle républicain d’intégration a fait faillite : Il existe une France antijuive dans la France contemporaine. Il ne s’agit pas d’une renaissance, ni d’une résurgence, mais d’une réinvention, d’une nouvelle naissance, offrant au regard socio-historique plus de discontinuités que de continuités, plus de différences que de ressemblances. Mais ce qui reste stable c’est la puissance du rejet, de la haine et du ressentiment, mais aussi du mépris et de la peur, passions négatives qui fusionnent dans la diabolisation, mode de construction de l’ennemi chimérique, dont “le Juif” reste le paradigme et l’emblème.

Nous ne sommes plus dans un état antisémite ou anti juif comme les français ont pu le connaitre au temps de l’affaire Dreyfus, puis pendant les années trente et qui a atteint son paroxysme au cours de la période 1940-1944.

Introduit dans la langue française dès 1881-1882 le mot antisémitisme n’est devenu courant qu’à la fin des années 1890. En France, Edouard Drumont, fut le premier antisémite « auto désigné » de profession qui structura sa doctrine antijuive sur la base de l’opposition manichéenne entre juifs et aryens, il s’exprimera dans La Libre Parole le 11 janvier 1895 en écrivant : « la question juive n’existait pas en 1886 en France. Grâce à moi, les français ont regardé et ont vu ».

Drumont est contemporain de l’affaire Dreyfus qui se déroula de 1894 à 1906.

Capitaine de l’armée française, il est accusé de trahison en 1894 pour avoir livré des documents secrets aux allemands.

Son accusation s’est faite sans recherches ni preuves ; Dreyfus est juif et il est devenu le coupable évident pour la France antisémite de l’époque.

Cette affaire a divisé la France pendant 12 ans, en deux camps les dreyfusards et les antidreyfusards. Le contexte social est marqué par la montée du nationalisme et de l’antisémitisme. Une montée très virulente depuis la publication de la France juive d’Edouard Drumont en 1886 qui va de pair avec une montée du cléricalisme. Les tensions sont fortes dans toutes les couches de la société attisées par une presse influente et pratiquement libre d’écrire et de diffuser n’importe quelle information.

L’antisémitisme n’épargne pas l’institution militaire qui pratique des discriminations occultes. Les officiers juifs sont atteints par une série d’articles de presse de La Libre Parole et sont accusés de trahir par naissance.

La haine du juif est désormais publique, violente alimentée par un brulot diabolisant la présence juive française qui représente plus de 80.000 personnes en 1895 dont 40.000 à Paris et plus de 45.000 en Algérie.

L’antisémitisme diffusé par La Libre Parole mais aussi par l’Eclair, Le Petit Journal, la Patrie, l’Intransigeant, la Croix, développent une judéophobie dans certains milieux catholiques qui atteint des sommets.

On prépare en quelque sorte les années 30 et surtout les années de guerre qui ont fait plus de 6 millions de morts juifs en l’Europe.

Un temps apaisé, l’antijudaïsme revient au galop dans les années trente stimulé par la crise économique, le chômage et l’afflux des juifs allemands fuyant le nazisme et l’accession au pouvoir du front populaire dirigé par Léon Blum qui devient une valeur étendard de l’extrême droite portée par de nombreuses publications antisémites

Il était devenu indispensable de fermer les frontières mais on pensait également qu’il fallait repousser les juifs qui représentaient 300.000 âmes dans les années trente. Céline clamait : « il faut les renvoyer chez Hitler ! En Palestine ! En Pologne ! »

Plus tard l’Etat français dirigé par Pétain va hisser l’antisémitisme au rang d’idéologie officielle en prenant des mesures draconiennes :

La loi sur le statut des juifs,

La création du commissariat aux affaires juives

Les arrestations et l’internement des juifs dans les camps de d’internement, de transit et de concentration

La saisie des biens juifs et l’aryanisation

La déportation vers l’Allemagne

On peut prouver que l’administration française a fait preuve de beaucoup de zèle pendant la période pétainiste. Au final se sont 75.721 Juifs dont près de 11.000 enfants qui ont été déportés de France de mars 1942 à aout 1944.

Après la guerre il est difficile de s’afficher comme antisémite même si l’antisémitisme n’a pas complètement disparu dans les milieux d’extrême droite et dans les milieux d’extrême gauche. L’antisémitisme est devenue une maladie honteuse.

Jusqu’en 1980, aucun crime a caractère antisémite n’a été recensé jusqu’au 3 octobre qui marque le premier attentat contre les juifs de France depuis la fin de la seconde guerre mondiale : 4 morts et 46 blessés, liés à la mouvance moyen orientale, devant la synagogue Copernic à Paris

Raymond Barre déclarera d’ailleurs sur TF1, le soir du 3 octobre : « un attentat odieux qui voulait frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des français innocents qui traversaient la rue Copernic ! »

Le 9 aout 1982, dans un restaurant de la rue des Rosiers à Paris, un attentat fait 6 morts et 22 blessés, un attentat lié à la mouvance palestinienne du Fatah.

Il faudra attendre 24 ans pour qu’un nouveau meurtre soit commis en région parisienne le 13 février 2006 après 24 jours de séquestration et de torture subis par Ilan Halimi, parce que juif !

Un évènement passé malheureusement sous silence par les dirigeants politiques mais aussi hélas par une grosse partie des institutions représentatives de la communauté juive qui laissait présager la montée en puissance des attaques et des assassinats terroristes auxquels la communauté juive française allait être confrontée.

Le signal d’alarme n’a pas été entendu et le 19 mars 2012, l’attentat contre l’école Ozar Hatorah à Toulouse, fait 4 tués dont trois enfants.

Malgré ce qu’a pu dire Nicolas Sarkozy en s’exprimant sur la sécurité en France et en disant qu’il n’y a pas eu d’attentat terroriste pendant son quinquennat, je qualifierai cet acte ignoble et abject d’attentat terroriste (n’oublions pas que trois militaires ont été assassinés et qu’un quatrième reste paralysé à vie)

Comme tous les matins, ce lundi-là, je me rendais à mon travail, quand le téléphone retentit dans ma voiture. 8h20, j’étais au rond-point de Montaudran, un numéro parisien que je ne connaissais pas : un journaliste de ITV m’apprit qu’il y avait eu une attaque contre un lieu juif à Toulouse et qu’il cherchait des renseignements auprès des responsables communautaires. N’étant pas au courant je ne puis le renseigner.

Arrivé à mon bureau, cette nouvelle m’a un peu décontenancé et j’ai appelé un ami qui fait partie du bureau du CRIF et qui pourrait avoir des informations.

C’est lui qui m’a appris la nouvelle et il était doublement touché en tant que responsable communautaire mais aussi parce que ses deux fils étaient dans l’école au moment des faits et l’un des deux venait de lui téléphoner : « Il y a eu une fusillade et il y a eu des morts »

J’ai été contacté par la presse mondiale pendant toute la journée car j’ai appris plus tard que lorsque l’on tapait juif à Toulouse c’était mon numéro de portable qui sortait en premier ! J’ai de suite pris le parti de dire que c’était un attentat car les journalistes ont toujours utilisé le terme d’attaque, de fusillade qui pouvait laisser présager qu’il y avait eu un échange de tirs. Plusieurs journaux de l’époque reprirent d’ailleurs mes propos rapportés sur BFMTV.

« Ce n’est pas une fusillade, il n’y a pas eu d’échange de tirs, mais bien d’un attentat qui a touché des personnes innocentes ! »

Enfin je mentionnerai la prise d’otages du 9 janvier 2015 contre un supermarché cacher qui s’est soldée par un bilan de 4 morts. 

Une immense manifestation qui tel un raz de marée a envahi les rues de toutes les villes de France, magnifique mouvement de solidarité suite à l’attaque contre Charlie Hebdo et la prise d’otages de l’Hyper Cacher.

Une manifestation qui en laissa quelques-uns perplexes, pour ne pas dire amers, des esprits chagrins sans doute me direz-vous, se demandant à quoi aurait ressemblé ce grand et magnifique élan populaire s’il n’y avait eu que des victimes juives ?

Ainsi l’histoire parle d’elle-même, l’antisémitisme a toujours été présent sur le sol français et même si les représentants officiels de l’état condamnent chaque attaque, il n’en reste pas moins que certains se lâchent et s’oublient de temps en temps. Les frasques de Jean Marie Le Pen avec le détail de l’histoire est connu de tout le monde, celle d’Emmanuel Macron futur candidat à la présidence de 2017, est moins médiatique, il est pourtant connu pour être plus modéré mais dira le 7 octobre 2016, « que les écoles juives enseignent la Torah plus que les savoirs fondamentaux ». Le 20 octobre 2016, le CRIF demande à la Haute autorité des primaires de la droite et du centre une condamnation ferme de Jean Frédéric Poisson. Ce dernier a déclaré la veille dans Nice Matin : « la proximité de Mme Clinton avec les super financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France »

Alors oui, les gouvernements ne sont pas antisémites mais les hommes politiques se laissent parfois emportés et on est en droit de se demander pourquoi ?

Car en ayant de tels propos, c’est la République et ses valeurs fondamentales qui sont touchées. Sa division avait commencé sous le règne de Sarkozy avec « la France d’en haut et celle d’en bas », celle « des travailleurs et celle des profiteurs », elle semble se continuer avec le quinquennat de Hollande qui dénomme les classes sociales défavorisées, « les sans dents ».

La France s’achemine vers une élection présidentielle où l’une des alternatives pourrait être le Front National, le parti d’extrême droite qu’il n’est plus la peine d’être présenté. L’ensemble des sondages placent Marine le Pen au deuxième tour, une honte et un échec cuisant pour une France qui va mal et qui n’est plus la France.

La laïcité est bousculée par certaines minorités qui veulent modifier et adapter les valeurs de la République qui ont permis depuis 1789 à des dizaines de générations de pouvoir vivre ensemble sans problème en garantissant les mêmes droits et lois à ses concitoyens.

Désormais, les Francais Juifs doivent vivre comme une minorité protégée. Les Juifs de France, dont les libertés sont menacées tandis que leur sentiment d’insécurité s’accroît après chaque agression, vivent désormais sous la pression d’une menace d’un terrorisme djihadiste endogène dont les acteurs sont nés en France et possèdent le plus souvent la nationalité française. On observe une montée du pessimisme chez les élites, diagnostiquant un déclin irréversible de la puissance d’intégration de la France républicaine, devenue une mosaïque de communautés séparées, rivales et mutuellement hostiles.

L’antisémitisme, l’antijudaïsme est toujours là. Il sait renaitre, s’adapter, se modifier, se propager tel un virus que l’on n’arrive pas à combattre

Le mythe du conspirateur revient au galop. Cette idéologie pernicieuse est véhiculée par la diffusion des « protocoles des sages de Sion » et de « mein Kampf » que l’on trouve dans certaines librairies françaises. Elle est aussi présente dans des prêches d’Imams salafistes et wahhabites qui véhiculent l’image du juif altérée par le prisme déformant du Coran décrivant entre autre des juifs sanguinaires et utilisateurs de sang qui est encore diffusé dans certains pays musulmans.

Dans les représentations sociales contemporaines, il existe deux composantes du noyau dur de l’image antijuive qui persistent et qui continuent à être diffusées :

Juif égale tradition, communauté, solidarité avec pour effet le couple séparation-inassimibilité

L’internationalisme, le cosmopolite impliquant le déracinement et une forte mobilité géographique, renvoient l’image d’un juif représentant l’élite, l’argent, l’infiltration, le pouvoir, l’influence avec pour effet le couple domination-manipulation qui dérive sur le soi-disant complot juif mondial, reformulé dans les années 60-70 comme complot sioniste mondial et plus récemment comme complot américano sioniste mondial !

C’est un des grands effets pervers de l’émancipation qui a fait sortir les juifs du ghetto en France en accordant la pleine égalité de droits par le vote de l’assemblée constituante en 1791 au début de la révolution française. Les juifs sont donc reconnus comme citoyens à part entière mais cela engendre un nouveau fantasme : la hantise du juif invisible dans la société moderne où il passe inaperçu. Il est semblable à nous mais en réalité…

Chez les ennemis du juif, il est imaginé comme une puissance cachée : « l’infiltration est l’instrument privilégié de la conquête juive » écrira Drumont. Cette vision de l’intrusion d’un corps étranger dans le corps national alimente l’image du juif manipulateur et persécuteur, comploteur et criminel.

Une image malheureusement véhiculée encore de nos jours et que l’on retrouve dans les spectacles du soit disant humoriste Dieudonné. Tout comme l’antisémitisme rédempteur élaboré par Hitler et les nazis qui trouve encore des résurgences dans certaines organisations ou groupuscules obscurs ou par certains dirigeants de pays du Moyen Orient.

Une nouvelle vision du juif comme incarnation d’une menace mortelle se traduit dans les faits par la négation du droit à l’existence de l’état d’Israël et la volonté explicite de le détruire, l’accusation de racisme visant les juifs en tant que sionistes – tout juif étant supposé être un sioniste jusqu’à preuve du contraire.

La propagande tiers-mondiste et pro-palestinienne a fait l’amalgame sionisme = racisme depuis la fin des années 1960, le sionisme étant assimilé ensuite à un impérialisme, un colonialisme, un fascisme, un régime d’apartheid et même à une résurgence d’un nouveau nazisme !

Aujourd’hui, internet a induit une révolution : les narrations marginales et délirantes ont droit de cité et leur caractère provocateur attire davantage les regards que les textes et les vidéos nuancés, produits par des professionnels ou tout au moins des personnes attachées à un discours étayé sur des faits. Auparavant les extrémistes de tout bord et fondamentalistes religieux n’avaient quasiment pas accès aux médias. Ils étaient largement exclus du domaine public. Cela n’est plus le cas aujourd’hui, l’information numérique où chacun peut s’exprimer, bénéficie d’un atout considérable : lorsqu’un évènement survient, des centaines d’arguments sont soudain disponibles pour justifier le même délire. Des esprits faibles réagissent aussitôt en jugeant que s’il existe autant de preuves supposées, le délire en question correspond à une certaine réalité.

L’antijudaïsme y trouve ainsi un terrain propice à sa diffusion grâce à l’anonymat, car tout le monde peut s’exprimer sous le biais d’un pseudo et relayer ou exprimer des propos haineux sans être ennuyé. 

Il existe en France une population particulièrement sensible à la propagande antisioniste où la haine des Juifs joue un rôle majeur.

Une France où la “cause palestinienne” a trouvé ses adeptes les plus inconditionnels, ses militants les plus fanatiques, qui se disent en guerre contre le sionisme.

Il existe une France où se trouve le terreau des nouvelles passions antijuives, ainsi que l’armée de réserve du militantisme judéophobe, une France où certains mouvements politiques marginaux d’extrême gauche cherchent une légitimité électorale. Des mouvements et groupuscules qui semblent considérer les islamistes comme des alliés dans la lutte anticapitaliste et utilisent l’instrumentalisation et l’importation du conflit israélo palestinien pour asseoir leur pouvoir.                

Cette gauche a cherché un substitut à la classe ouvrière qui a largement disparue de l’Europe post industrielle et à trouver chez les Palestiniens, les nouveaux « Damnés de la Terre ». Ceux sont eux les nouveaux opprimés, étendards de la lutte contre les oppresseurs impérialistes et capitalistes dont la nouvelle figure est le sionisme.

Fini la mauvaise conscience subie au nom de la traite des Noirs, la colonisation et surtout la Shoah. Fini le poids des culpabilités.

Jankélévitch l’expliquait très bien dès 1971 : « les victimes d’hier sont devenues les bourreaux d’aujourd’hui. Les sionistes sont les nouveaux nazis. Le péché ultime est lavé. Le peuple élu n’est finalement pas meilleur que ce que l’Europe a créé de pire. Les remords ne sont plus de mise. La parole peut se libérer »

Ainsi, une partie de la gauche et de l’extrême gauche dérivent vers l’antisémitisme et le normalisent.

L’antisionisme radical, dont l’objectif est l’élimination d’Israël en tant qu’État juif, constitue le noyau dur de cette nouvelle judéophobie. Etre antisioniste, ce n’est pas critiquer la politique de tel ou tel gouvernement israélien, les israéliens le font mieux que personne. Non, être antisioniste c’est refuser aux juifs la qualité de son peuple et son corolaire : le droit à l’auto détermination et à un État.

Remettre en cause l’existence de l’État d’Israël, compte tenu de sa spécificité juive ne peut s’analyser qu’au travers du prisme de l’antisémitisme.

L’antisionisme sert d’exutoire à la haine antijuive en lui donnant un visage plus acceptable. Exit, les anciens préjugés antisémites, jadis axés sur la religion (rejet du Christ par les Juifs - déicide) ou sur la prétendue « race juive ». Des arguments soi-disant politiques qui contribuent à la propagande antisémite. La délégitimation de l’état d’Israël passe par une série d’arguments nauséabonds où l’antisémitisme suinte de partout.

Ainsi on reproche à Israël ce que l’on reprochait autrefois aux juifs. Par exemple de tuer sciemment des enfants arabes (au Moyen Age on prétendait que le peuple déicide se servait du sang des petits chrétiens pour fabriquer le pain azyme). On accuse l’armée israélienne de se comporter en armée nazie. On utilise le terme infamant d’apartheid juridiquement impropre.

Tout ceci est faux, structurellement, juridiquement, factuellement. Prétendre que cet antisionisme ne serait motivé que par l’indignation suscitée par le sort réservé aux Palestiniens en Israël est une mystification. Si c’était le cas, les mêmes défileraient sans relâche pour les Palestiniens du Liban, d’Irak, de Jordanie ou de Syrie et appelleraient au boycott de ces pays-là. Or seul Israël est visé, seul Israël est boycotté !

Alors oui une frange grandissante du judaïsme français a tendance à sur-réagir à alerter l’opinion publique qu’il existe un problème en France. L’augmentation récente du nombre de candidats à l’Aliyah, ou au départ vers l’Amérique du Nord, montre que ce diagnostic pessimiste s’est largement répandu. Mais il est loin d’être partagé par la majorité des Juifs de France, qui continuent de se sentir des citoyens français et fiers de l’être, en dépit des menaces qu’ils perçoivent.

La grande erreur est de penser que l’antisémitisme ne menace que les juifs. C’est avant tout une menace pour l’Europe et pour ses libertés acquises en plusieurs siècles. Une société qui prône l’antisémitisme n’a jamais garanti la liberté, les droits de l’homme ou la liberté de religion. Toute société mue par la haine commence par chercher à détruire ses ennemis mais finit par se détruire elle-même.

Si l’on veut stopper un exode massif des juifs de France, il faut que la République réapprenne à parler à une partie de ses enfants. Les Lumières s’éteignent et leur universalité semble impuissante à empêcher un rétrécissement identitaire. Mais il faudra que la République y parvienne très vite au risque de succomber sous les assauts conjugués de l’offensive antirépublicaine actuellement en œuvre de l’extrême droite à l’extrême gauche sinon elle est vouée à disparaitre.   

Car il y existe des enclaves en France où la République brille par son absence, il y a des lieux interdits aux représentants de la loi, il existe des zones ghettoïsées sans mixité sociale, il y a des zones où l’on éduque les enfants dans la haine de l’autre et de l’abomination des valeurs de la République, il  existe des endroits de relégation et de foyers insurrectionnels contre la République, des zones où la laïcité n’a pas sa place, des endroits où la sécurité est à géométrie variable selon la couleur de sa foi, des lieux qui sont de véritables plaies dans l’espace républicain, il y a des zones où l’Etat est absent, des zones laboratoires sans Etat de droit, des enclaves où la République brille par son absence.

C’est le problème que la France devra résoudre au plus vite pour enrayer un exode massif des juifs mais aussi des autres.

 Boaz Gasto - Source

 

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